Accueil À la une Pandémie : cinq ans depuis | Il y a eu un printemps

Pandémie : cinq ans depuis | Il y a eu un printemps

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Quand j’ai eu l’idée de raconter la pandémie à travers les mots de collègues qui l’ont vécu sur les lignes de front, je pensais avoir à les convaincre d’en parler. J’avais tort. « Tout le monde a une anecdote », me disait Jocelyn Veillard, maintenant directeur du programme de santé mentale et des services thérapeutiques. Comme il avait raison.

Une douzaine d’entrevues et des centaines de pages d’archives plus tard, l’article que j’imaginais est devenu une série en cinq chapitres – six si l’on compte cet épilogue – comptant plus de 10 000 mots ; pourtant si peu pour témoigner de cette époque inédite à la hauteur de ses impacts.

Si les chapitres précédents racontaient comment l’on a vécu la pandémie au fil des événements, somme toute de façon chronologique, certains thèmes sont récurrents. La fin de cette histoire, elle renferme les propos les plus caractérisants, les plus humains. Le plus émouvant dans tout ça, c’est qu’on pourrait omettre les noms des individus sans altérer le sens de leurs paroles tellement elles sont unies par un fil conducteur : l’espoir, la fierté, et nos valeurs, tout le monde m’en a parlé.

Garder espoir

Déjà, alors que l’on voyait évoluer une épidémie de l’autre côté de la planète, au début de l’année 2020, les projecteurs étaient braqués sur le monde de la santé. Il ne fallut que quelques jours, quand la pandémie a été officiellement déclarée et que le virus s’est manifesté ici, au printemps, pour que la communauté vienne à la rescousse, comme elle le pouvait, avec la motivation d’aider dans l’espoir qu’on s’en sorte.

« L’entraide, la solidarité, c’était phénoménal », dit Dre Chantal D’Aoust-Bernard, médecin-cheffe de l’hôpital depuis l’an dernier. « Les gens ont fait des masques en tissus, des chapeaux de scrubs, c’était beau à voir », ajoute-t-elle. « On recevait des cadeaux, de la bouffe, des scrubs, même des souliers ! » renchérit Valérie Dubois Desroches, maintenant vice-présidente responsable des soins aux patients. « Il fallait presque en refuser. ».

« La semaine des soins infirmiers, ça avait une signification très particulière en 2020. » À l’Urgence, on installe une guirlande de « merci » en reconnaissance du travail de l’équipe. Dans la communauté, une murale a voit le jour dans le quartier Vanier, en hommage aux travailleurs de la santé.

« Un moment donné, on a senti qu’on avait pris le dessus », poursuit Dre D’Aoust-Bernard. Si les débuts étaient déstabilisants, alors que l’on naviguait presque à l’aveugle dans une mer d’incertitudes, on s’est éventuellement trouvé des points de repère, une certaine aisance. « Quand une deuxième vague est arrivée, on avait des protocoles, des médicaments, on savait beaucoup plus ce qu’on faisait », ajoute la médecin.

Alors que l’on se prépare à tourner la page sur une première année de pandémie, on s’accroche aussi à la plus récente percée scientifique qui changera assurément la donne pour la suite.

« Pour moi, l’espoir est revenu quand la vaccination a commencé », dit Karianne Legault, spécialiste en gestion des avantages sociaux. « C’est devenu plus positif, j’ai senti une vague de solidarité pour se protéger et protéger les autres. »

Ce sentiment qu’on allait passer au travers, il n’est pas pour autant circonscrit dans le temps ; il s’est étiré sur quelques années. Pour Marie-France Cuerrier, agente en transformation, c’est notamment « quand on a vu les partitions disparaitre à l’entrée principale, à la cafétéria et ailleurs, dans la dernière année. Je me suis dit “Ok, on est rendu là”. Aussi, de voir que notre taux de rétention s’est beaucoup amélioré, que les gens veulent rester travailler dans les hôpitaux. »

« L’été passé, on n’a pas eu d’éclosion, on avait des lits de disponibles », ajoute Marc-André Sabourin, maintenant gestionnaire du flot des patients. « Pendant le temps des Fêtes cette année, on avait des employés en surplus ! On retrouve une certaine normalité. »

Cet espoir de s’en sortir, il s’est éventuellement concrétisé, comme le témoignent les collègues. En rétrospective, ce qui ressort aussi systématiquement, c’est le sentiment d’accomplissement d’avoir vécu ces moments-là.

Sources de fierté

« Je suis fier de l’Équipe Montfort. » Cette phrase, elle fait l’unanimité. Tous les collègues me l’ont nommée, dans une formulation ou une autre. « La rapidité avec laquelle les gens se sont adaptés, tout le monde s’est retroussé les manches, il y a eu un vent d’entraide, de solidarité », raconte Karianne. « Je pense qu’on peut tous en être très fiers. »

« Je suis très fière du personnel qui a été redéployé, dont à l’Urgence. On ne serait pas passé à travers sans eux », renchérit Valérie. « Je suis fière d’être passée à travers, d’en avoir fait partie, d’avoir vécu ça avec l’équipe de l’Urgence. »

« On est très résilients, on est plus forts qu’on pense », affirme Marie-France. « Notre staff est très polyvalent. Il n’y a rien qu’on pouvait demander que les gens n’étaient pas prêts à faire. On a misé sur les forces de beaucoup de monde. »

« On a été aider dans deux résidences, on a ouvert deux cliniques COVID », se souvient Carole Bourcier, une collègue infirmière qui s’est portée volontaire pour prêter main-forte dans les soins de longue durée. « L’entraide était tellement présente. » Gasline Ternier, maintenant directrice des soins intégrés et ambulatoires, abonde dans le même sens. « Je suis fière qu’on ait été une organisation proactive, présente pour la communauté et nos partenaires. »

« On a définitivement pris du galon en termes de leadership. »

Valérie Dubois Desroches

Après avoir nommé l’équipe, plusieurs mentionnent aussi des collègues en particulier. « Le leadership de Dre (Chantal) D’Aoust-Bernard dans ces moments-là », affirme Marc-André, « son dévouement et sa grande compassion pour l’équipe. » « Je suis fière de Normand (Bisaillon). Il en a déplacé de l’air. Il a ouvert le 2D, les cliniques COVID. Chaque fois qu’on se revirait de bord, Normand était là », ajoute Carole ; plusieurs autres collègues ont aussi souligné l’apport exceptionnel de Normand. « C’est ancré dans moi », disait-il dans un article à son sujet, en pleine pandémie.

Visiblement, d’avoir œuvré en santé pendant la pandémie c’est un accomplissement en soi, mais nos réalisations ne s’arrêtent pas là. À travers tout ça, on a continué de faire de la recherche et d’utiliser nos ressources avec soin. On a formé un Comité contre le racisme et pour l’équité, la diversité et l’inclusion. On a contribué à fonder un nouveau programme de pharmacie en français. On a ouvert le Carrefour santé Aline-Chrétien, en pleine pandémie. On a été l’hôte d’un congrès mondial… et j’en passe, beaucoup.

« Ça nous a apporté beaucoup d’expérience », raconte Gasline. « On a accompli en si peu de temps des choses que ça nous aurait pris cinq ans à atteindre. Je suis fière de voir qu’on peut se développer, se surpasser, même dans une situation aussi critique. »

La manière que les collègues ont presque systématiquement d’expliquer ce qui a rendu tout ça possible, ce qui faisait que la flame ne s’éteignait pas même dans les moments les plus sombres, c’est d’invoquer nos valeurs, et le fait qu’elles étaient indissociables.

Nos valeurs, omniprésentes

« La culture Montfort, elle nous a suivi partout où on allait », dit fièrement Marc-André, « même si on était hors site, ou loin dans une école, je me sentais comme si c’était juste une extension de Montfort. »

« À Madonna (une résidence à Orléans où on a fait du dépistage), en une heure le staff disait qu’on était gentil », ajoute-t-il. « Notre approche, notre énergie, les gens savaient qu’on venait de Montfort sans qu’on le dise. » « Les valeurs de Montfort étaient là, peu importe où on allait », dit Marie-France.

« On a une agilité particulière à Montfort » nomme Marie Parish, directrice des soins critiques. « On est capable de se dire les vraies choses et de travailler ensemble ; c’était pas comme ça ailleurs. » « Nos valeurs sont vraiment ancrées et ça a paru pendant la pandémie », ajoute Karianne.

« C’est tellement notre force, la culture Montfort. Il faut qu’on garde ça, qu’on en prenne soin. »

Marie Parish

C’est sur ces mots que se conclue cette série, Pandémie : cinq ans depuis. Ce qui devait être un simple article a pris des allures insoupçonnées de documentaire ; mais quelle agréable surprise. Non seulement je n’ai pas eu à convaincre des collègues de raconter leurs souvenirs de la pandémie, je crois que l’exercice a été, pour plusieurs, un peu libérateur ; comme si de se prêter à la rétrospective, cinq ans plus tard, ça avait quelque chose de thérapeutique.

Maintenant que les blessures des moments les plus difficiles se sont cicatrisées, que la poussière du champ de bataille est retombée, on sent presque un peu de nostalgie, à travers les souvenirs. Comme quoi il y a du beau, du bon, même au milieu de l’épreuve d’une vie.

Je suis encore ému par la candeur de nos échanges, la richesse des propos, la générosité de ces personnes qui se sont livrées avec une authenticité désarmante. Merci à vous, collègues de cœur – Dre D’Aoust-Bernard, Valérie, Gasline, Jocelyn, Marie, Marc-André, Carole, Marie-France, Karianne – et tant d’autres qui y ont contribué de près ou de loin, de quelconque façon que ce soit.

On s’est remémoré la pandémie comme on l’a vécue : ensemble, en famille. Je ne l’aurais pas souhaité autrement. Merci, chaleureusement.

Archives, 2023

Le sujet de la pandémie vous intéresse ? Je vous conseille Le Printemps le plus long, essai par le journaliste Alec Castonguay, qui retrace les premiers mois de la pandémie au Québec. « Ce livre à suspense se lit comme un roman. Sauf que tout est vrai. » L’ouvrage a aussi été adapté en une minisérie et un balado, sur les ondes de Radio-Canada.


Pour relire l’article précédent de la série : Chapitre V – Course vaccinale

Martin Sauvé
Martin est directeur des communications, et fait partie de l'équipe Montfort depuis 2014. Quand il n'est pas en train d'écrire pour le Journal Montfort, il est surement en train d'arroser ses nombreuses plantes, ou d'explorer un quartier branché de la ville – ici ou ailleurs...