L’été 2020, c’est la saison des retrouvailles après un printemps confiné. Jamais n’aura-t-on autant adopté la mode du piquenique dans un parc, ou du barbecue dans la cour arrière. On retrouve un certain sentiment de vie normale ; de « nouveau normal ».

À Montfort comme dans la région, la vague virale des premiers mois de la pandémie s’est estompée. Les activités habituelles – rendez-vous, interventions, chirurgies – reprennent graduellement et on permet aux proches aidants de rendre visite aux patients hospitalisés. Les choses vont mieux, on est passé à travers de la première vague ; on a encore un espoir – naïf, peut-être – que le pire est derrière nous. Malgré cela, on demeure en mode gestion de crise.

Début juin, une nouvelle unité temporaire est ouverte dans ce qui était auparavant un gymnase de réadaptation. Les tapis roulants ont cédé leur place à des lits d’hôpital, les rideaux ont été remplacés par des murs temporaires. Pendant quelques mois, cet espace accueillera les patients de l’hôpital qui attendent une place ailleurs – un autre niveau de soins – mais qui n’y ont pas encore accès.

Signe que les équipes prennent de l’aisance face au virus et à cette nouvelle maladie, la Ligne Info-COVID, mise sur pied dans l’incertitude des premières semaines de la pandémie, diminue ses heures de service en juin, pour raccrocher complètement à la mi-juillet.

Avec le temps qui passe, les outils pour « apprendre à vivre avec la COVID » s’ajoutent à notre arsenal. Parmi les plus importants – ou du moins, les plus exigés – on compte les tests de dépistage. Après l’ouverture de la Clinique de soins COVID-19 du chemin Heron, en avril, une deuxième est inaugurée par Montfort à l’automne, cette fois au Complexe récréatif Ray-Friel, à Orléans.

« Quand on a ouvert Heron, Brigitte (Chevalier) et moi on se disait : “Trois mois, d’ici trois mois ça va être fini, on va fermer.” », raconte Marie-France Cuerrier, agente en transformation, qui a contribué de près à l’ouverture des deux cliniques de dépistage gérées par Montfort. « On ne voyait pas ça durer des mois ni des années, et voilà qu’à peine six mois plus tard, on en ouvrait une deuxième. Ce n’était vraiment pas fini. »

Forte des leçons apprises avec l’ouverture d’une première clinique, l’équipe transforme une patinoire en centre de dépistage : des murs temporaires jusqu’à la ventilation de calibre industriel, tout est à faire. En quelques semaines, l’aréna de l’est de la ville est prêt à accueillir la communauté. La clinique ouvre ses portes le 19 octobre.

Avec l’automne qui s’installe, on anticipe l’hiver avec anxiété. Les vaccins que l’on espère tant, sur lesquels on fonde tant d’espoir, arriveront-ils à temps ?

Chapitre V

Course vaccinale

À vos marques. 9 décembre, Santé Canada autorise le vaccin Pfizer-BioNTech contre la COVID-19. On reçoit la directive de se préparer au signal de départ imminent : les professionnels de la santé devraient bientôt pouvoir être vaccinés contre la COVID-19. À Montfort, on forme un groupe de travail dont le mandat est de mettre en place les procédures nécessaires – au départ, les vaccins sont strictement contrôlés – et surtout, d’identifier les membres du personnel qui seraient éligibles en premier.

Prêts. Quelques jours avant la fin de 2020, les choses se concrétisent ; la lumière au bout de cette année qui a souvent semblé interminable. Au cours des prochains jours, des vaccins seront administrés, d’abord aux travailleurs les plus à risque comme ceux qui œuvrent à l’Urgence, aux Soins intensifs et dans l’unité COVID. Rareté oblige, il faut prioriser, protéger d’abord les équipes les plus critiques.

Partez. 31 décembre, on accueille la nouvelle année avec des doses de Pfizer plutôt que de Prosecco. « Quelle belle nouvelle pour débuter l’année 2021 avec ma première dose du vaccin COVID ! » C’était la réaction empreinte de joie de Mélissa Thériault, thérapeute respiratoire sur les lignes de front, que l’on rapportait dans un article à l’époque.

« Aussitôt reçu, je me sentais pratiquement comme si j’avais un super pouvoir. »

Mélissa Thériault, thérapeute respiratoire

En quelques jours, quelques centaines d’employés et médecins de Montfort se rendront au campus Civic de L’Hôpital d’Ottawa pour être immunisés contre la maladie.

Cette arme de défense, elle tombe à point. Quelques semaines après le temps des Fêtes, le coronavirus regagne du terrain. L’Ontario décrète un confinement de 28 jours – sauf pour les sorties essentielles – à la mi-janvier ; quelques jours plus tôt, le Québec avait instauré une directive de couvre-feu. Si l’arrivée des vaccins redonne espoir, le jour n’est pas encore venu où la population pourra en bénéficier largement.

Au premier anniversaire de la pandémie, en mars 2021, plus de la moitié du personnel de Montfort a été vacciné une première fois. Quelques semaines plus tard, on aura l’autorisation d’administrer les vaccins à l’hôpital ; ça facilite l’accès, au bonheur de nos équipes. À compter du 19 mai, le personnel en contact avec les patients recevra une deuxième dose ; en juin, l’ensemble du personnel y deviendra éligible.

Alpha, Beta, Gamma, Delta

Si la vaccination est promesse de jours meilleurs, elle n’éclipse pas encore la présence du virus sur le terrain. Alors que le printemps se pointe, une nouvelle menace fait aussi son apparition dans notre vocabulaire : les variants préoccupants. Les autorités de santé publique surveillent le développement de mutations du coronavirus. Surtout, ce qui préoccupe, c’est que cette évolution semble maintenant conférer une plus grande virulence, une meilleure force d’attaque, des impacts plus sévères.

En avril, les craintes se confirment. Alors qu’une troisième vague prend de l’ampleur, les variants Alpha, Beta et Gamma, qui dominaient jusqu’alors, sont remplacés par un autre : Delta. Cette version du coronavirus, elle s’en prend aussi davantage aux plus jeunes, aux gens en meilleure santé. Au cours des premières vagues, la majorité des personnes hospitalisées en raison de la COVID-19 étaient âgées, vulnérables, ou fragilisées par des maladies chroniques. C’est chose du passé : Delta ne discrimine pas.

Rapidement, on s’inquiète de la capacité du système de santé. Avant les Fêtes, quelques mois plus tôt, le nombre de patients hospitalisés avec la COVID-19 dans la région était d’une vingtaine ; en avril, on en compte plus de 100. La province ordonne à nouveau se mettre en pause les activités non urgentes pour concentrer les efforts sur la pandémie. Une nouvelle directive, inédite, est également émise : il faut se préparer à accueillir des patients en provenance de régions de la province plus gravement submergées.

« Quand on a reçu des patients de Toronto et d’ailleurs, c’était pire qu’en 2020. »

Carole Bourcier, infirmière

Ce sont des images qui ont marqué les esprits, un peu comme celles en provenance de New York ou d’Italie, l’hiver précédent. Ces patients pour lesquels des hôpitaux n’avaient pas de place, c’est entre autres par autobus qu’ils seront transportés – deux ou trois à la fois – vers les communautés qui peuvent les accueillir.

En une seule journée d’avril, Ornge transfert le nombre record de 80 patients entre différents hôpitaux de la province. À Ottawa, on en soignera une cinquantaine en un mois.

Cet équilibrage de l’offre et de la demande, elle implique heureusement aussi du renfort. En plein cœur de la semaine des soins infirmiers, en mai, Montfort accueille huit collègues venues d’ailleurs, redéployées à l’hôpital pour prêter main-forte. Elles appuieront les équipes des Soins intensifs, de l’Urgence, de la clinique Heron et de l’imagerie médicale, pendant quelques semaines.

Comme le précédent, l’été 2021 est synonyme d’accalmie. La courbe s’aplatit, l’immunité grandit – lentement mais surement – au sein de la population. En juillet, la Clinique de soins COVID-19 du chemin Heron ferme ses portes, après avoir réalisé plus de 60 000 tests en 15 mois. Celle du Complexe récréatif Ray-Friel cessera ses activités à l’automne, alors qu’un service de test au volant sera offert au Carrefour santé Aline-Chrétien, jusqu’à l’année suivante.

L’approche prédominante, c’est qui faut apprendre à vivre avec le virus. La vaccination, c’est le point de bascule, la gestion du risque. On devient plus à l’aise, on craint moins la maladie. Début septembre, l’Ontario émet une directive : les hôpitaux doivent se doter d’une politique de vaccination contre la COVID-19. À Montfort, l’ensemble du personnel devra être pleinement vacciné par le 15 octobre.

Omicron

Malgré les bonnes intentions, le scénario se répète : après quelques semaines de répit, une vague déferle à nouveau. Évasif, le virus se propage malgré l’immunité conférée par le vaccin. Un autre nouveau variant, Omicron, amplifie la contagion. Avec les Fêtes de fin d’année qui approchent, on redouble de vigilance. Mi-décembre, le télétravail s’impose pour tout le personnel administratif ou de soutien qui est en mesure d’accomplir son rôle à distance. La troisième dose du vaccin devient disponible pour le personnel qui a reçu la deuxième depuis au moins trois mois. Quelques jours avant Noël, on offre le vaccin à nos proches. Tout ça, dans l’espoir d’éviter une autre vague dévastatrice… mais il est déjà trop tard.

En plein temps des Fêtes, Omicron assomme les troupes. Si les variants précédents avaient surtout eu un impact sur le nombre de patients qui en étaient atteints, celui-ci s’en prend aux soignants. En communauté, la transmission atteint des sommets ; on n’y échappe pas.

« On avait les vaccins, on connaissait mieux le virus, mais d’avoir une nouvelle souche ça faisait craindre qu’il n’y ait jamais de fin. »

Gasline Ternier, alors gestionnaire clinique

« On cherche des volontaires pour prêter main-forte au cours du weekend. » C’est le titre d’un message aux équipes de l’hôpital, à l’approche du jour de l’An. Certains jours, une centaine de membres du personnel sont absents à cause du virus. Aux yeux de plusieurs, ce sera la période la plus éprouvante de la pandémie en matière de ressources humaines.

À la fin du mois, le bilan est accablant. « Plus de 300 employés ont reçu un résultat positif au cours de cette cinquième vague, soit près de 10 % des membres du personnel, et ont dû s’absenter entre sept et dix jours au courant du dernier mois. »

Et comme si ce n’était pas assez, la ville se retrouve assiégée pendant des semaines, alors que le « Convoi de la liberté » manifeste et revendique sur la colline Parlementaire et à travers le centre-ville. La proximité géographique de l’hôpital par rapport à ces événements complique l’accès et les déplacements. Des employés élisent temporairement domicile dans des hôtels à proximité, pour éviter les détours et délais qui durent parfois des heures. Pour plusieurs, c’est l’épreuve de trop, après deux années exténuantes.

Heureusement, on s’en remet, encore une fois. Fidèle à l’habitude, cette vague fait place au printemps. En mars, on reprend graduellement les activités non urgentes, on permet aux équipes de se rassembler en très petits groupes, on allège aussi les restrictions pour les visiteurs. La province annonce que le masque n’est plus obligatoire dans la plupart des lieux publics. La vie reprend tranquillement son cours.

À l’hôpital, la gestion de la pandémie devient partie intégrante des opérations normales. Le Centre de commande des mesures d’urgence émet son dernier message au personnel le 14 avril ; les suivants seront relayés par les moyens de communication habituels.

En rétrospective, on pourrait croire que la pandémie s’est arrêtée là, avec l’arrivée de l’été 2022. On en ressentira toutefois les impacts pour les années à venir : le virus n’est pas disparu, même s’il fait moins de victimes qu’au départ ; les équipes se sont stabilisées, mais le personnel a été épuisé par ces années de combat ; et nos façons de faire ne seront plus les mêmes, après avoir été transformées par cette crise.


La semaine prochaine : Épilogue – Il y a eu un printemps

Pour relire l’article précédent de la série : Chapitre IV – Première vague

Martin Sauvé
Martin est directeur des communications, et fait partie de l'équipe Montfort depuis 2014. Quand il n'est pas en train d'écrire pour le Journal Montfort, il est surement en train d'arroser ses nombreuses plantes, ou d'explorer un quartier branché de la ville – ici ou ailleurs...