La santé mentale, autrefois confinée dans l’ombre du discours public comparativement à la santé physique, est devenue une préoccupation essentielle dans le tissu social du Canada. En tant que nation connue pour sa riche diversité culturelle et ses valeurs progressistes, le Canada a profondément transformé son approche vis-à-vis de cette thématique. On y reconnait aussi de plus en plus le lien bidirectionnel qui existe entre la santé mentale et la santé physique. 

Le chemin parcouru n’a cependant pas été sans défis ni innovations inspirantes qui s’efforcent de faire du bien-être mental une pierre angulaire des soins de santé au sens large au Canada ; tâche à laquelle une équipe de professionnels et d’administrateurs de l’Hôpital Montfort en collaboration avec l’institut du Savoir Montfort (ISM) et des chercheurs tant nationaux qu’internationaux se sont attelés au fil de ces dernières années. Ce travail acharné a découlé sur une offre de service novatrice pour les populations francophones en situation minoritaire. 

Le Dr Jean Grenier nous parle de cette nouvelle offre de services et la situe dans un contexte d’efforts qui prennent racine depuis plusieurs années. Psychologue et clinicien chercheur, Dr Grenier est dévoué depuis plus de 20 ans à l’Hôpital Montfort, où son engagement est inébranlable à l’égard de la santé mentale et la psychologie de la santé. L’expertise du Dr Grenier et d’une équipe de chercheurs, en collaboration avec des administrateurs de l’hôpital et de l’ISM, a éclairé le chemin pour ouvrir davantage l’accès à des services de psychothérapie et de santé mentale pour les francophones vivant en situation minoritaire et qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale courants (anxiété, dépression, stress et traumatismes) ainsi que des séquelles psychologiques des maladies chroniques physiques.

Dr Grenier explique que c’est son rôle de clinicien-chercheur à Montfort qui l’a amené à collaborer étroitement avec des experts à l’échelle nationale et internationale, notamment à la suite de la réforme des soins primaires dans les années 2000, visant à améliorer l’accès aux services de soins primaires. À la suite d’une série d’initiatives successives, l’engagement d’une équipe de cliniciens chercheurs à l’Hôpital Montfort s’est élargi pour englober divers projets fonctionnant dans ce cadre global d’augmenter l’accès à des services psychologiques de qualité.  

« Un point culminant dans cette veine d’efforts et de collaborations a été atteint en 2019, lorsque l’Hôpital Montfort, avec l’appui d’un financement de Santé Canada dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles, a entrepris la conception et la mise en œuvre d’un programme innovant de télésanté communautaire qui répond aux besoins criants d’offrir aux francophones en situation minoritaire un meilleur accès à des interventions pour des problèmes de santé mentale courants. » 

Dr Jean Grenier

L’équipe de l’Hôpital Montfort qui a évolué au fil des ans, incluant entre autres, cliniciens chercheurs (Dre Marie-Hélène Chomienne, Dre Diana Kozicki, Dr Jacques Bradwejn), administrateurs (Suzanne Robichaud, Annie Boisvert, Martine Potvin, Gasline Ternier, Jocelyn Veillard, Dr Bernard Leduc) en collaboration avec l’ISM (Marie-Andrée Imbault et son équipe) et une équipe à l’Université de Sherbrooke (Dre Pasquale Roberge, Dre Helen-Maria Vasiliadis, Dr Alain Lesage) ont proposé la mise sur pied d’un « Programme de télésanté mentale communautaire par étapes » pour francophones vivant en situation minoritaire. 

Au cœur de ce programme de télésanté mentale communautaire se trouve un modèle de soins par étapes qui s’inspire du modèle britannique IAPT (Improving Access to Psychological Therapies) dans lequel un continuum de services est dispensé selon 3 niveaux d’intensité. 

1, 2, 3… un programme en étapes

Étape 1 : Intensité légère — Clinique virtuelle ēquilia

Une fois référés par un des professionnels de la santé de cliniques partenaires à travers l’Ontario, les patient·e·s ont accès à la clinique virtuelle ēquilia — intervention basée sur les principes de la thérapie cognitive-comportementale qui est autodirigée et accessible 24/7 sur le web. « Grâce aux cours de la clinique virtuelle, les patient·e·s ont accès à des stratégies méticuleusement conçues pour leur permettre mieux gérer leur bien-être mental, de favoriser la résilience et de promouvoir une gestion proactive de la santé mentale », souligne Dr Grenier. 

La clinique virtuelle ēquilia est une adaptation canadienne-française d’un produit d’origine australienne (This Way Up!) qui a fait ses preuves et été démontré efficace dans plus de 26 essais contrôlés randomisés et études d’efficacité. Ces études témoignent de la capacité du programme à atténuer de manière significative l’impact des troubles anxieux et dépressifs, que ce soit dans le cadre de la recherche ou dans des environnements cliniques réels.

« Grâce à l’appui financier de Santé Canada et de la collaboration partenariale entre l’Hôpital Montfort, l’ISM, le CIUSSS de l’Estrie-CHUS et l’Université de Sherbrooke, nous avons pu faire l’acquisition d’une licence canadienne permettant d’adapter la clinique virtuelle This Way Up! au contexte de la francophonie canadienne sous le nom ēquilia. Nous comptons faire l’acquisition de plus d’une douzaine de modules ēquilia, qui toucheront par exemple l’anxiété, la dépression, la dépression postnatale, l’insomnie, la gestion de douleur chronique, l’anxiété sociale » confie Dr Grenier. 

Étape 2 : Intensité modérée — Psychothérapie 

Ce modèle de soins est centré sur le patient. Ainsi, « après avoir terminé les soins via la clinique virtuelle ēquilia, les patient·e·s évaluent avec leur professionnel traitant si d’autres services sont nécessaires » explique Dr Grenier. Le cas échéant, les patient·e·s sont orientés vers la deuxième étape qui consiste à participer à une psychothérapie individuelle ou de groupe, dispensée par un psychologue, des candidats au doctorat en psychologie (sous la supervision d’un psychologue), ou des psychothérapeutes expérimentés. 

Étape 3 : haute intensité – Psychiatrie, pharmacothérapie

Pour les cas où les étapes 1 et 2 ne répondent pas entièrement aux besoins, il y a une troisième étape de haute intensité qui combine une intervention psychiatrique et recommandation pour la pharmacothérapie pour les personnes qui en ont besoin. À l’étape 3, les patient·e·s peuvent aussi avoir accès à des séances de psychothérapie plus intensives. 

À l’heure actuelle, ce nouveau programme est ouvert à cinq cliniques ontariennes partenaires, mettant en commun un éventail de professionnels de la santé, notamment des psychologues, des médecins de famille, des psychothérapeutes, des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes et des infirmières. Ces praticiens sont habilités à orienter les patient·e·s souffrant de dépression et d’anxiété par exemple, vers la clinique virtuelle. À la suite de cela, les patient·e·s auront la possibilité de bénéficier de soins par étapes selon les besoins. 

Dr Grenier souligne que « les praticiens de Montfort peuvent eux aussi référer des patient·e·s en psychologie de la santé, et une fois la référence reçue, la demande sera traitée en fonction du programme de soins en étapes ». Notons que pour référer en psychologie de la santé, il est important que la détresse psychologique soit en lien avec un problème de santé physique ou une maladie chronique, et que, pour le moment, le programme de soins en étapes est accessible pour les patient·e·s qui peuvent parler, comprendre et lire le français, puisqu’il s’agit d’une initiative qui vise à accroître l’accès à des services psychologiques pour la population francophone en Ontario.

Un programme pertinent pour Montfort, hôpital universitaire

Au-delà de l’accent mis sur l’accessibilité des services aux francophones, ce modèle de soins est un phare de l’innovation et des soins fondés sur l’évaluation rigoureuse et la recherche.

Pour Gasline Ternier, directrice clinique responsable du programme de psychologie de la santé et des soins intégrés, « ce projet contribue grandement à la mission universitaire de Montfort, car en plus d’offrir des services de psychothérapie en français, nous nous assurons que ce service soit fondé sur des données probantes et donc constamment actualisées. Il permettra aussi de favoriser la recherche et développer de ce fait de nouvelles offres de service » s’inscrivant dans la même veine.

Dr Grenier affirme qu’il s’agit « d’une offre de service qui incarne bien ce que nous essayons de développer au sein de notre hôpital et sa mission universitaire, c’est-à-dire d’intégrer de manière fluide services cliniques, enseignement, recherche appliquée et évaluation rigoureuse basée sur la science ».

« La recherche et l’évaluation menées à même nos services cliniques nous permettront, en tant qu’institution, d’améliorer la qualité des soins que l’on offre à notre population. Nous sommes choyés, nous qui sommes cliniciens-chercheurs à Montfort, de pouvoir collaborer avec les administrateurs de l’hôpital et de l’ISM dans cette initiative riche de potentiel pour Montfort et pour la communauté francophone. » 

Dr Jean Grenier

Ce projet visionnaire incarne l’inclusivité, les pratiques fondées sur des données probantes et les soins de santé mentale holistiques. Avec des plans d’expansion à l’échelle nationale, cette initiative est prête à transformer l’accessibilité et la qualité des soins de santé mentale pour les communautés minoritaires francophones de l’Ontario, pour éventuellement étendre sa portée à l’ensemble du pays. Grâce au dévouement et à l’ingéniosité des équipes qui continuent de travailler de façon acharnée pour la bonne tenue de ce projet, l’avenir des soins de psychothérapie et de santé mentale semble plus brillant et plus inclusif que jamais.

Pour en savoir plus sur cette initiative, visitez le site web ēquilia.ca ou écrivez à l’adresse equilia@montfort.on.ca. Nous vous invitons également à suivre l’Institut du Savoir Montfort via le Portail Montfort et sur les médias sociaux pour rester à l’affut des nouvelles.

Emiliano est agent de communication à l’Institut du Savoir Montfort depuis septembre 2021. Quand il n’est pas en train d’écrire pour le Journal Montfort, il est surement en train de regarder un documentaire. Il adore lire et voyager.