Darly, Micheline, Marie-Francia, Pierre, Gardy… nos collègues d’Haïti

1949

Parmi nos collègues à Montfort, nombreux sont ceux qui viennent d’Haïti. Alors que l’île se remet d’un autre tremblement de terre qui a causé plus de 2000 morts le 14 août dernier, quelques-uns de ces collègues nous parlent avec amour de leur terre natale et des gens qu’ils ont laissé là-bas.

Pierre Mercy, IAA, 4C réadaptation

Il fut un temps, Haïti était considérée comme la perle des Antilles. Avec ses richesses naturelles, son histoire, sa culture, elle n’avait rien à envier des plus belles places du monde.

Malheureusement, les catastrophes naturelles, les crises politiques et économiques la fragilisent au point où elle n’est plus l’ombre d’elle-meme.

Je viens de la ville de l’Arcahaie, plus précisément dans une localité appelée Mérotte. Arcahaie est située à 45 km de la capitale Port-au-Prince.

Monument au premier drapeau haïtien.

Mérotte a vu la création du premier drapeau haïtien, le 18 mai 1803. Ce jour-là, dans sa quête pour la liberté, le père de l’indépendance d’Haïti, l’empereur Jean-Jacques Dessalines, a déchiré le drapeau bleu blanc rouge de la France pour ne garder que le bleu et le rouge qu’une femme nommée Catherine Flon va coudre ensemble. Ainsi le premier drapeau haïtien bleu et rouge était créé. C’est avec ce dernier que l’indépendance d’Haïti va voir le jour, le 1er janvier 1804.

J’ai fait mes études primaires chez les Frères de l’instruction chrétienne de l’Arcahaie et mes études secondaires et post-secondaires à Port-au-Prince.

Durant mon enfance, nous n’avions pas grand-chose mais nous étions heureux.

Nous n’avions pas d’autos mais avec nos bicyclettes nous allions partout.

Nous n’avions pas de frigo mais l’eau froide des ruisseaux nous permettait de nous abreuver.

Nous n’avions pas de floaties, une chambre à air d’une voiture nous permettait de flotter dans l’océan.

Nous n’avions pas de cuisinière mais trois roches et des brindilles nous permettaient de cuisiner.

Nous n’avions pas de crêpes et de chocolat chaud mais notre déjeuner consistait à boire du café avec le pain.

Nous n’avions pas de crème de blé ou d’avoine mais nous avions le Akasan (farine de maïs avec du lait et du sucre).

Nous n’avions pas d’électricité mais la clarté de la lune nous éclairait le chemin.

Nous n’avions pas de télévision mais nous pouvions rester dehors pour jouer au soccer ou pour « fe lago » (jouer à cache cache) et chanter :

« Au clair de la lune mon ami Pierrot », même quand nous ne connaissions pas la majorité des mots de la chanson.

J’aurais aimé revivre ces moments mais malheureusement, on ne les vit qu’une seule fois, à l’enfance. 

Je retournais en Haïti presque tous les deux ans. Maintenant, j’y vais de moins en moins mais l’amour pour mon pays reste le même.

Supposons que j’allais avoir la chance d’y retourner maintenant, j’allais la décliner parce que je suis tellement américanisé que je voudrais louer une chambre d’hôtel pour avoir le confort de l’air climatisé.

J’allais décliner parce qu’il faudrait louer une voiture pour circuler.

J’allais décliner parce que le marché en plein air où camions, humains et animaux se côtoient me rendrait nerveux.

Ainsi, tout ça reste dans ma mémoire des souvenirs inoubliables aux places que j’adore.


Micheline Enoise, IA, 4C réadaptation

Haïti Chéri…
Je suis Canadienne d’origine haïtienne, née dans la ville d’Anse-à-Veau, située dans la grand anse de la République d’Haïti où vivent encore mon père et ma soeur et beaucoup d’autres membres de ma famille.

Anse-à-Veau est une commune d’environ 40 000 habitants où on parle Créole, la langue maternelle, et français dans les écoles. Les Les gens sont joviaux et ont un grand sens de communauté.

Avant l’insécurité, j’y allais aux deux ans pour voir mon père, prendre du temps avec ma patrie et mes amies. J’aime le climat, la nature et ses produits organiques et frais. Le son de la mer me calme tant et le sable dans mes pieds et voir le soleil qui se lève avec le chant du coq est un plaisir gratuit.

Le tremblement du 14 aout a fait bien des dégâts, la majorité des maisons, des écoles sont fissurées ou démolies. Bien des sites importants de la ville ont été touchés, le Lycée national construit pendant les années 1980 a été endommagé à deux occasions – par le terriblement de terre du 12 janvier 2010 et encore par celui du 14 août 2021. Il en est de même pour la cathédrale Sainte Anne, vieille de plus d’un siècle, proie des cyclones, de la foudre et des tremblements de terre, qui tient encore debout malgré des fissures dans des poteaux importants de sa structure qui, logiquement, inquiète beaucoup.

Sans compter les ruines de certaines maisons et un bon nombre de morts, de blessés et de portés disparus sous les décombres.

Toutes les urgences sont référées à Miragoane ou Petit Goave ou encore à Port-au-Prince, en misant sur l’humeur de ce qui reste de la seule ambulance au service des patients de l’arrondissement – qui compte les communes d’Arnaud, de Petit-Trou, de Plaisance et leurs sections communales.

Les derniers événements ont mis à nu la précarité des services hospitaliers.

Dans les sections communales les blessés sont soumis au savoir-faire des »médecins-feuilles » [NOTE: médecine traditionnelle]. Ceux qui ont la possibilité ou dont la gravité des cas l’exige doivent se rendre à Miragoane à moto ou dans un véhicule public bondé de monde et de bagages.

Malheureusement pour ma famille et moi, nous avons perdu quelques maisons lors de ce terrible tremblement. La maison de mon père est complètent détruite et son jardin de plus de 25 ans est inondé.

Mais dans tout ce malheur je n’ai perdu aucun membre de ma famille proche ou éloignée.


Gardy St-Fleur, IAA, 4C réadaptation

Toute ma famille vit en Haïti. Je viens d’Arniquet, un village situé au sud. 

La dernière fois j’ai été, c’était pour les funérailles de mon père, en 2019, mais je suis allée l’année précédente pour des vacances. J’ai beaucoup d’attachement avec mon pays.

Ce qui me manquent ce sont les belles places et la vue pittoresque quand je quitte la capitale pour me rendre chez mes parents.

Habituellement quand je vais en Haïti je visite Port-Salut qui est une ville du département du sud. Je suis attirée par la plage munie de sables blancs.

Malheureusement, ma famille et mes amis ont eu leur maison brisée, j’ai une cousine qui est encore hôpital pour se faire soigner suite aux blessures causées par le tremblement de terre.


Darly Célestin, intervenant en réadaptation communautaire, ECTI

Mon nom est Darly Celestin, je travaille à l’hôpital Montfort depuis plus de 14 ans. 

Je suis d’origine haïtienne, j’ai laissé mon pays natal depuis 17 ans et je suis retourné seulement une fois en 2005 pour une semaine.  Depuis mon arrivée à Ottawa en 2004, je suis toujours très occupé dans les démarches de reconnaissance de diplôme, les études, le travail et la vie familiale simultanément. 

Mes parents viennent du sud d’Haïti, l’endroit où le séisme a causé plus de dégât.  J’ai grandi dans une petite ville côtière appelée Coteaux.  Je n’ai pas gardé de photos de souvenir, car presque chaque année on était frappé par des cyclones qui détruisent tous les documents importants comme photos, certificats de naissance et autre. 

J’ai visité tous les départements d’Haïti.  On y trouve partout de magnifiques plages avec une mer calme.  Cette île a pu séduire tous ceux qui la visite par des sites élégants remplis de fleurs avec ses odeurs agréables. 

J’ai visité plusieurs petites îles avoisinantes appartenant à Haïti.  Ile à Vache, l’ile de la Gonâve et des sites historiques comme le Palais sans-souci, la citadelle Laferrière, la plage Labadie où viennent accoster les bateaux de croisière du monde entier. 

Haïti chérie, c’est la chanson du vent dans les montagnes qui doucement me dit de revenir.  C’est la rivière qui coule avec mes larmes.   

Aujourd’hui, quand je pense à tous mes souvenirs et dans mon cœur au long des jours de peine, je garde encore la force de rêver et de revoir ce beau pays que j’aime, la terre où je suis né.


Marie Francia Joseph, IA, ECTI

Je m’appelle Marie Francia Joseph et je suis originaire de Jérémie, ville située dans le Sud Ouest du pays, dans le département de la Grand’Anse. Je veux ajouter que Jérémie s’appelle la cité des poètes puisque c’est dans cette ville que sont nés certains grands poètes haïtiens tels que Edmond Laforêt, Etzer Vilaire, Emile Roumer, etc…

Cette ville porte aussi le nom de la Cité d’Alexandre Dumas, ou Cité des 3 Dumas, parce qu’en 1762, dans l’habitation Madère à Jérémie, une esclave originaire du Congo donna naissance à un garcon qui devint le général français Alexandre Dumas, dont le fils fut l’auteur de plusieurs romans (Les trois mousquetaires, L’homme au masque de fer) et qui lui-même fit voir le jour à Alexandre Dumas fils, l’auteur du roman La dame aux Camélias.

J’ai eu le privilege de venir au Canada après mes études secondaires mais mes cousins, cousines, oncles et tantes, amis y vivent encore et je garde encore avec eux des liens très étroits.

Sitôt l’été arrivé, je souffre de nostalgie, je songe aux fêtes champêtres, aux clubs de vacances, aux journées de barbecues organisées les fins de semaine aux bord de la rivière Voldrogue, Guinaudée ou de la rivière Grand Anse.

En raison de sa position géographique dans les Caraïbes, la Grand’Anse dont Jérémie est la métropole est exposée aux intempéries, cyclones, tempêtes, inondations, tremblement de terre… Et dans le cas du tremblement de terre du 14 août 2021, il n’y a pas une seule personne, une seule famille qui ne soient touchées de près ou de loin.

Dans notre cas, ce qui m’attriste le plus ce sont les dommages causés à deux sites de notre patrimoine : la destruction de la cathédrale Saint-Louis, plus que centenaire, et ceux causés au pont suspendu sur la rivière Grand’Anse, le seul de ce genre qui existe dans les Caraïbes.


La Croix-Rouge canadienne amasse des dons en réponse au tremblement de terre d’Haïti. Si vous aimeriez contribuer, visitez la page Fonds de secours : séisme en Haïti.