“Cas de Colombo” : les défunts non réclamés

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Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passe lorsqu’un patient de Montfort décède et qu’on ne peut l’identifier, ou qu’on ne connait pas le nom et les coordonnées de ses proches? Nos travailleuses sociales doivent alors faire ce qu’elles appellent informellement un « cas de Colombo »… Louise-Hélène Bourdeau nous explique ce que ça peut impliquer.

Un défunt non-réclamé, c’est une situation qu’on connait cinq à dix fois par année. Parfois, nous n’avons jamais rencontré le patient avant qu’il ne décède – il a pu venir à l’urgence durant la fin de semaine, ou encore il était déjà décédé quand il est arrivé.

On doit utiliser tous les indices possibles pour trouver l’identité du patient, ou comment contacter ses proches.

Ça peut impliquer de fouiller dans les effets personnels du patient, son porte-monnaie, les numéros sur son téléphone cellulaire si on peut y accéder, ses comptes de médias sociaux si on les connait. C’est comme rapiécer des morceaux de vie d’une personne.

J’ai déjà appelé un centre d’urgence pour sans-abris et en décrivant le tatouage de la personne décédée, ils l’ont reconnu et ont pu me donner son nom. À partir de là, j’ai pu trouver son dossier de santé et ensuite sa famille.

Le certificat de décès doit être émis par la maison funéraire et ce sera nécessaire pour pouvoir vendre la maison, fermer les comptes en banque, fermer la succession, etc.

C’est quand la personne décédée n’a pas d’argent que ça devient plus compliqué. On voit des cas de familles qui ne veulent pas « réclamer le corps » de leur proche puisqu’ils pensent, à tort, que ça pourrait les rendre responsables des dettes du défunt. Ce n’est pas le cas, et nous prenons le temps de leur expliquer la situation.

Quand une personne décède en Ontario, un 2500 $ est donné à la succession afin d’aider à payer les frais de transport de la dépouille et les services funéraires de base. Les services de la ville d’Ottawa peuvent avancer les frais et ils se rembourseront ensuite avec le 2500$. Il faut seulement que quelqu’un signe le formulaire de réclamation du corps et le système s’occupe du reste.

Parfois, on sait le nom du patient mais cette personne ne semble avoir aucun proche dans sa vie. Ça n’est pas obligé d’être un membre de la famille qui réclame le défunt; ça peut être un ami, une voisine, un membre d’une congrégation religieuse, la directrice de la maison de soins de longue durée, etc. La plupart du temps, on va trouver quelqu’un.

Il y a aussi des cas de gens qui ont informé leur famille qu’ils voulaient donner leur corps à la science… sans faire aucun arrangement préalable. La famille pense que tout est réglé mais non, il faut qu’ils fassent les démarches auprès de l’Université d’Ottawa, il y a des frais de transports de la dépouille vers l’université…. Et il est possible que l’université refuse le corps, selon les circonstances!

Le temps joue contre nous. Après 72 heures, si on n’a trouvé personne qui est prêt à réclamer le défunt, malgré tous nos efforts, il faut avertir le bureau du coroner. Sur 10 cas, ça peut arriver deux ou trois fois.

Les défunts non-réclamés, c’est une toute petite partie de notre travail. Mais quand ça arrive, ça peut nous occuper plus longtemps qu’un patient en vie!

Geneviève est directrice de l'équipe des communications à Montfort depuis 2014, et vice-présidente depuis 2023. Quand elle n'est pas en train d'écrire pour le Journal Montfort, elle est maniaque de lecture, adore le yoga, chante dans une chorale, vient travailler en vélo mais seulement quand il fait beau, et ne fait jamais, jamais la cuisine.