La stratégie 21 de Montfort donne une large place à la multimorbidité; mais savez-vous bien ce que ça veut dire? Et surtout, comment avons-nous l’intention de devenir un centre d’excellence clinique dans ce domaine? Dre Marlène Mansour vient d’être nommée comme lead médical dans un projet. Elle nous l’explique dans ses mots.
La multimorbidité, c’est quoi?
« Ma famille est d’origine égyptienne, on s’est installés à Ottawa quand j’avais deux ans et demi. Je ne suis jamais repartie et j’ai étudié dans les écoles franco-ontariennes.
Je me souviens de SOS Montfort, j’étais trop jeune pour participer à la marche étudiante du 20 mars mais on a fait des affiches. J’ai fait mon secondaire à l’École Samuel-Genest, juste de l’autre côté de la rue!
J’ai étudié au baccalauréat en physiothérapie à l’Université d’Ottawa et ensuite en médecine au volet francophone, ici à Montfort. J’ai fait ma résidence en médecine interne et ensuite aux soins intensifs à L’Hôpital d’Ottawa, et je suis à Montfort depuis octobre 2016. »
Quand on travaille en santé, on note rapidement que certaines maladies chroniques se combinent souvent chez un même patient.
« En majorité, ces maladies chroniques incluent le diabète, l’hypertension, dyslipidémie (hausse de cholestérol), l’emphysème, l’insuffisance cardiaque, la dépression, l’anxiété. Par exemple, l’emphysème sévère peut souvent être combiné avec une maladie coronarienne car la fumée de cigarette est un facteur de risque pour ces deux maladies. »
« Malheureusement, ces maladies sont souvent traitées en silo et les spécialistes ne se parlent pas toujours entre eux. Prenons par exemple le cas d’un patient atteint d’une maladie coronarienne et d’emphysème sévère : le béta-bloqueur que le cardiologue donne au patient pour gérer sa maladie coronarienne peut avoir un impact négatif, par exemple en causant le rétrécissement des bronches, ce qui pourrait empirer l’emphysème du patient. »
Afin de faciliter la communication entre les experts, un projet pilote sera lancé durant l’hiver 2019, impliquant une équipe multidisciplinaire mobile commencera à faire des tournées sur les étages de l’hôpital. L’équipe ira visiter les patients qui ont été réadmis à plusieurs reprises dans un court laps de temps.
Nous voulons prendre le temps et comprendre pourquoi ce patient a tellement d’admissions à l’hôpital; nous voulons regarder le patient en entier au lieu de nous concentrer seulement le problème qu’il est venu soigner aujourd’hui. »
« Éventuellement, le but sera d’avoir une équipe regroupant un interniste, une infirmière spécialisée en médecine; et un ergo, un physio ou un thérapeute respiratoire, dépendant du cas. Par exemple, pour un patient souffrant d’emphysème avancé, nous pourrions demander à un thérapeute respiratoire de lui montrer comment utiliser un inhalateur (puffer), alors que le physiothérapeute et l’ergothérapeute pourrait enseigner des techniques de conservation d’énergie. »
Si l’on revient à l’exemple du patient souffrant d’une maladie coronarienne et d’emphysème, « il faut avoir une discussion avec le patient, considérer d’autres moyens de gérer ses deux conditions. Par exemple si son pouls est trop rapide, on pourrait utiliser des inhibiteurs de canaux calciques au lieu des bétabloquants. »
« L’équipe existait avant moi et ils attendaient un lead médical. Dr Moreau m’a présenté le projet au printemps 2018 et j’ai commencé à travailler avec l’équipe en juin. »
En plus de Dre Mansour, l’équipe responsable d’implanter le projet compte Linda Lessard, Judith Makana, Judith Boileau, Vanessa Helleur, Alexandre Yergeau et Marie-France Cuerrier de l’Hôpital Montfort. Comme il s’agit d’un projet innovateur, plusieurs membres de l’Institut du Savoir Montfort sont également très impliqués: Alain Mouttham, Ursula Dika et Lydia Guennaoui.
Santé physique et mentale : un équilibre délicat
Un patient qui fait face à des maladies chroniques risque souvent de développer des problèmes de santé mentale, tels que de l’anxiété ou de la dépression. Une des prochaines étapes pour l’équipe de multimorbidité sera donc de développer un outil pour identifier les patients qui ont besoin d’aide psychologique.
« Nous aimerions faire un screening après deux ou trois admissions, pour voir s’il y a une raison médicale qui cause leur anxiété ou vice-versa, ce qui causerait un cercle vicieux. Par exemple, si un patient nous explique que l’idée de rentrer à la maison le rend anxieux parce qu’il craint d’avoir de nouvelles crises d’emphysème, on pourrait impliquer un psychologue afin de l’aider. »
Prochaines étapes?
« Il va falloir former l’infirmière de l’équipe mobile multidisciplinaire, puis informer les hospitalistes et les urgentologues. Ne vous étonnez pas que l’on vienne sur les étages! On va s’impliquer d’emblée dans le dossier du patient. Pour certaines conditions médicales, ça va devenir une consultation automatique dans le flot du patient. L’infirmière va aussi se promener seule sur les étages pour identifier des patients. »
Par la suite, on pense déjà comment offrir un « Montfort à domicile » utilisant la télémédecine, avec l’appui de partenaires dans la communauté au courant de 2019.
Pour l’équipe mobile, la porte d’entrée pour trouver de nouveaux patients sera l’urgence. Si les membres du personnel peuvent identifier les patients multimorbides, ça va nous aider…
on espère que bientôt, les médecins de famille recommanderont certains patient au CEC à Montfort!
« Une des choses que j’espère accomplir avec le projet, c’est d’avoir des discussions sur les buts du patient. Souvent, le patient n’a pas eu de discussion avec son cardiologue ou son respirologue, et il ne sait pas que sa maladie est à un état avancé! De plus, les spécialistes ne se parlent pas toujours entre eux. Le cardiologue prescrit un médicament qui a un impact sur les fonctions rénales; le néphrologue demande de l’arrêter… Au lieu de jouer les uns contre les autres, nous voulons trouver un but commun, avec le patient. »
Rappelons que cette initiative est s’inscrit dans le cadre de la Stratégie 2021 de Montfort, soit l’orientation stratégique visant à « devenir un Centre d’excellence clinique en multimorbidité (CECMM) ».
La multimorbidité est un dossier qui vous intéresse? Vous aimerez l’article « À l’ECTI, l’activité physique change des vies… c’est prouvé! », paru dans le Journal Montfort de novembre 2017.