Le rêve d’un bénévole

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par Jean Fahmy, bénévole

Depuis quelques jours, avec la vaccination qui s’accélère, l’espoir commence à renaître timidement dans nos cœurs. La lumière au fond du tunnel, qui était jusqu’alors bien tremblotante, devient de plus en plus vivante, comme une torche qui crépite, lançant partout autour d’elle des étincelles de lumière et d’espoir.

J’entendais l’autre jour certains experts de santé publique qui nous faisaient part de leur optimisme prudent… et je me suis alors mis à rêvasser. À rêver à ce que serait notre monde, quand le bout du tunnel serait enfin franchi.

Beaucoup de gens espèrent un « retour à la normale ». De quoi donc serait faite cette normale ? Allons-nous nous précipiter dans les magasins et les centres d’achat pour accumuler chez nous d’autres habits, d’autres objets ? Allons-nous peu à peu perdre de vue les multiples traumatismes dus à la pandémie, faire la sourde oreille à nos émotions et à nos impulsions positives pendant cette crise ?

Beaucoup de gens autour de nous se disent peut-être, comme nos voisins américains : « Bring back better ». Ce mieux, à quoi donc ressemblerait-il, en quoi serait-il différent d’aujourd’hui ou d’hier ?

Je rêve et je souhaite que nous n’oubliions pas l’énorme élan de solidarité qui nous a unis tous depuis le début de la pandémie, quand les gens cousaient des masques en tissus qu’ils allaient remettre à leurs voisins.

Je rêve et je souhaite que nous continuions à nous préoccuper les uns des autres, comme ces gens qui préparaient des friandises pour aller les offrir à leurs amis ou à leurs parents.

Je rêve et je souhaite que nous n’oubliions pas notre Mère la Terre et que nos bacs de recyclage soient un peu plus pleins et nos poubelles un peu plus vides.

Je rêve et je souhaite que les gens aillent frapper à la porte de la vieille madame à l’autre bout de la rue, qui vit seule parce que ses enfants sont loin d’elle, et qui, solitaire et isolée, sourit timidement derrière sa fenêtre quand elle nous voit passer dans la rue.

Je rêve et je souhaite que nous nous rappelions que, dans notre malheur collectif, nous avons été plus chanceux, plus choyés que l’énorme majorité de nos sœurs et de nos frères sur cette planète, et que nous réfléchissions à la petite démarche, à l’humble initiative que nous pourrions prendre pour diminuer leurs souffrances.

Je rêve et je souhaite que nos aînés vivent dans la dignité, la paix et la sérénité, et que leur vie soit solidement ancrée sur une pyramide de soins, d’attentions et d’amour… Et je me demande alors : « Qu’est-ce donc que je pourrais faire moi-même pour ajouter une petite pierre à cette pyramide, au lieu d’attendre passivement que l’État s’en occupe ? »

Je souhaite surtout que la vague d’empathie et de reconnaissance qui a enveloppé nos médecins, nos infirmières, nos préposés et tout le personnel de la santé pendant ces douze derniers mois ne s’effiloche pas et que nous continuions à leur dire merci, merci de toutes les façons, pour leur rôle fondamental dans notre bien-être.

Je souhaite enfin que les milliers et les millions d’heures de dévouement dues à la pandémie ne s’effritent pas.

Et là, ma rêverie devient plus souriante, car je sais que les centaines de bénévoles de l’Hôpital Montfort vont retourner un jour à leurs postes, afin d’ajouter à leur tour leur pierre à la pyramide d’un monde meilleur… Et je sais que leurs sourires croiseront de nouveau le sourire des patients et du personnel, afin de contribuer à renforcer encore plus les liens de la famille Montfort.

Et là, à ce moment de ma rêverie, je me secoue soudain, je me dis : « Réveille-toi donc, Jean, cesse de rêvasser, la pandémie n’est pas complètement vaincue… Va donc continuer à déblayer, en compagnie de milliers d’autres, même par de minuscules actions, le bout de ce tunnel, afin que nous sortions tous enfin dans la lumière ! »