« C’est un sentiment d’accomplissement incroyable que de franchir la ligne d’arrivée. Je suis si fière de moi. Plus forte que je ne l’aurais jamais cru. » Voici les paroles de Lorraine Doucet à la fin du marathon de Boston en 2018.
« Je veux être la madame de 80 ans
qui court encore »
Lorraine est physiothérapeute en réadaptation cardiaque à l’Hôpital Montfort depuis 2016. « J’ai fait beaucoup de choses avant ça : enseignement, soins à domicile, travailler à l’hôpital de Hull » dit-elle. « Je pense bien rester où je suis maintenant. »
À 40 ans, elle a décidé de se lancer dans un gros projet : obtenir une maîtrise tout en étant une femme de carrière, une maman à temps plein et une marathonienne. « Je ne peux pas dire que j’étais super athlète quand j’étais enfant. Je portais des lunettes et puis quand j’étais à l’école primaire j’avais une patch sur l’œil et je n’étais jamais la première choisie pour jouer au baseball », raconte Lorraine.
Sa mère et son oncle courraient à l’occasion et Lorraine a décidé de se joindre à eux pour de petites courses de 20 minutes. C’était quelque chose de très social. Après la naissance de son dernier enfant, sa mère l’appelait chaque matin pour aller courir.
Lorraine a commencé avec une course de 5km pour le cancer, qu’elle a fait avec son fils. Par la suite, ce fut un 10km, puis un demi-marathon et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle s’inscrive à son tout premier Ultra. C’est quoi un Ultra? C’est une course de 100km. Pour réussir un tel défi, elle a demandé les conseils d’un entraîneur et a couru plus de 80km chaque semaine de mai à septembre. La semaine précédant le marathon, elle écrivait et visualisait le déroulement de sa journée, comment elle allait se sentir, ce qu’elle allait faire, etc.
« J’ai écrit mon histoire »
En 2013, Lorraine et quelques de ses amis ont participé au marathon de Boston. « Lorsque je finis une course, je pars prendre une douche. Je vous aime bien, mais ne m’attendez pas à la ligne d’arrivée », dit-elle à ses amis. Effectivement, elle n’a pas tardé à retourner à l’hôtel après son marathon et elle en a profité pour appeler sa mère. Son conjoint entre en trombe dans la chambre et lui demande si elle sait ce qui est arrivé. Confuse, Lorraine apprend alors qu’il vient d’y avoir deux attentats terroristes, dont un à la ligne d’arrivée.
« De ma fenêtre, je voyais la ligne d’arrivée et moi, je pensais que le gros BANG, c’était de la construction », se souvient-elle. C’était la panique, non seulement sur place, mais aussi dans les familles respectives de chaque coureur. « C’était fou! Ils ont juste paralysé la ville, personne ne pouvait nous rejoindre et les militaires étaient partout », dit Lorraine.
L’année d’après, ils y sont retournés et elle a avoué ne pas avoir vraiment célébré après la course, c’était un moment plus touchant. Le marathon de Boston est maintenant considéré comme le plus sécuritaire au monde. « D’une certaine façon, j’avais peur donc j’ai couru plus vite », s’esclaffe Lorraine.
« Je veux être la madame à 80 ans qui court encore », dit-elle. « La visualisation, c’est primordial. Il faut changer son dialogue intérieur. » Lorsque ses patients se plaignent et sont négatifs, elle leur répond qu’avec du travail et de la volonté, on peut tout réussir. La santé du cœur est tout aussi importante que la santé mentale. Les deux fonctionnent en harmonie. Il faut écouter son corps et reconnaître ce qu’il est capable d’accomplir.
La mère de Lorraine est décédée à la suite d’un cancer en 2017.
« Sa chanson préférée était Queen of hearts. Je l’écoute lors de mes entraînements et de mes compétitions. Elle est toujours avec moi. »
« Quand j’ai recommencé à courir après son décès, j’avais de la difficulté parce que j’avais de la peine, mais je me suis dit que c’était ça qu’on faisait ensemble et là j’ai vraiment décidé que chaque fois que je courais, j’étais avec elle », dit-elle. Elle a fait trois marathons en l’espace de huit semaines et dans chacun d’eux, elle a réussi ses meilleurs temps! Elle dit avoir réussi parce qu’elle pensait à sa mère.
Un des moments les plus touchants qu’elle a vécu lors d’un marathon est survenu l’an passé. Lorraine était épuisée après un gros 32km de course, elle avait froid, il ventait et se sentait plutôt découragée. Elle leva les yeux pour voir devant elle et aperçut une jeune fille portant un chandail inscrit dessus « I love you mom ». C’est tout ce qu’il lui fallait pour finir la course en beauté.
Souvent, les gens se posent comme question : comment honorer nos proches qui sont partis? Elle répond à cela en disant : « Je cours. Je cours avec tout mon cœur. »