En 1992, Montfort signait une affiliation avec l’Université d’Ottawa pour former des résidents en médecine familiale en français. Dre Chantal D’Aoust-Bernard faisait partie de ce petit groupe de cinq résidents qui ont changé l’histoire de Montfort.
Je suis née à Montfort et lorsque j’étais petite, je patinais à l’aréna de Vanier. Une urgence médicale? Vite ma mère nous amenait à Montfort : CHEO n’existait pas.
À l’Université de Montréal (1987-1992), je faisais partie de la première cohorte où il y avait plus de 50% de femmes inscrites au programme de médecine : un tournant dans l’histoire de la médecine. Après mes études, je me suis fait offrir un poste au Manitoba mais avant d’accepter, j’ai vérifié s’il n’y avait pas d’opportunité à Ottawa.
Folle de joie, j’ai appris qu’il y avait un nouveau programme de résidence à Montfort, et surtout, qu’il restait UNE PLACE!
Je faisais partie du groupe avec Josée Pilon, Julie Bellefeuille, Daniel Séguin et Patricia Cain. Dr Alain Couet et Dr Pierre Tessier s’occupaient du programme et mon entrevue a eu lieu dans l’ancien salon des médecins.
Mon premier stage était à l’urgence et je n’avais aucune expérience pour faire des points de suture. Dr Olivia, chirurgien de formation, me supervisait et il m’a demandé pourquoi je n’étais pas devenue chirurgienne, il parait que j’avais de bonnes mains!
Le fait que Montfort forme des résidents en médecine en français a été un facteur clé dans la cause SOS Montfort. En effet, selon le jugement « Lalonde contre la Commission de restructuration », déposé par la Cour divisionnaire de l’Ontario le 29 novembre 1999 :
« Par ailleurs, ce qui confère son caractère unique à Montfort est la nature vraiment francophone de sa formation médicale. […] Nous sommes d’avis qu’un tel programme entièrement français, qui est inestimable parce qu’il fait en sorte que la population francophone est bien desservie en français, rencontrera des obstacles insurmontables dans un établissement bilingue. »
Il a fallu faire notre place. Les médecins en place n’était pas tous d’accord avec l’idée d’avoir des résidents. Lorsque j’arrivais pour faire une consultation en cardiologie, le médecin demandait « Il est où, le cardiologue? ».
En même temps, quelle opportunité pour nous les résidents : on était seulement cinq pour voir toutes les pathologies de l’hôpital. Une mine d’or pour l’apprentissage! On pouvait être présent pour toutes sortes interventions, si nous le voulions.
Il n’y avait pas encore beaucoup de femmes en médecine et je me suis fait appeler « infirmière » pendant facilement 7 ou 8 ans.
SOS Montfort (1997-2002)
En congé de maternité pour mon deuxième enfant, je me rappelle avoir participé au Rassemblement du 22 mars 1997 au Centre civique. Je ne pouvais manquer cet événement historique pour MON HÔPITAL.
Quand j’ai commencé en 1992, il y avait une trentaine de médecins en médecine familiale, mais avec la crise de SOS Montfort, on s’est retrouvés à être seulement huit pour gérer tous les lits en médecine : une tâche colossale.
Nous avons travaillé sept jours sur sept, 365 jours par année pour tenir le fort : pas question d’abandonner. Cette situation a duré quelques années jusqu’à l’arrivée des hospitalistes. Cette nouvelle approche en médecine nous a permis d’avoir des fonds et de garantir un certain salaire pour attirer des nouveaux médecins.
Continuer à former la relève
Je suis médecin depuis 23 ans et je supervise des étudiants de 3e et 4e année de médecine, ainsi que des résidents de 1ère et 2e année en médecine familiale depuis 22 ans. Donner au suivant! J’ai toujours un ou deux résidents à ma charge.
Dre D’Aoust-Bernard s’est vue décerner le prix « Être humain » d’excellence en éducation, remis par la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, en décembre dernier.
Les prix d’excellence en éducation rendent hommage aux talents et aux efforts inspirants des étudiants en médecine, du corps professoral et des médecins.
Les autres récipiendaires des prix pour le volet francophone sont : Dre Julie Koncan, prix Professionnel; Dre Michelle Anawati, prix Collaborateur; Dre Lyne Pitre, prix Gestionnaire; Dr John Joanisse, prix Avocat-défenseur de la santé; Dre Isabelle Burnier, prix Communicateur; Dre Geneviève Lemay, prix Meilleure monitrice de portfolio en ligne. Félicitations!
Les principaux changements en médecine en 25 ans?
Je note deux transformations importantes en 25 ans :
- Informatique : Au début, j’avais dit « jamais! » Moi, les bébelles informatiques, ce n’était pas trop mon fort. Ma mère a eu une adresse de courriel avant moi! J’ai eu une période d’adaptation assez ardue qui m’a demandé beaucoup de temps et d’énergie. Présentement, je trouve les dossiers électroniques beaucoup plus pratiques, rapides et efficaces.
- Aide médicale à mourir : La lecture du livre de Louise Tremblay-D’Essiambre, La dernière saison: Jeanne, m’a ouvert les yeux sur l’aide médicale à mourir. Par la suite, j’ai entendu parler de la loi fédérale, et surtout de son entrée en vigueur dans les prochains mois. Il fallait se réveiller et prendre position pour l’hôpital et pour nos patients. Je me suis engagée à mettre en place un comité et à développer un processus pour gérer les demandes éventuelles. La loi est officiellement entrée en vigueur en juin 2016. J’ai participé à plusieurs conférences pour avoir une meilleure compréhension de la loi et des interventions. Nous avons un comité en place, une équipe formidable et une procédure efficace.
Que réserve l’avenir?
J’ai hâte de voir le développement de Montfort avec son Carrefour santé d’Orléans. Ce centre d’excellence en polymorbidités annonce une nouvelle ère au Canada. J’espère être toujours présente… mais à la retraite!!!
Le mercredi 18 avril 2018 à partir de 17 h, les 190 anciens résidents de médecine qui sont passés à Montfort pour faire leur résidence seront invités à des retrouvailles au Hampton Inn, 100 chemin Coventry à Ottawa. Cette activité est rendue possible grâce à l’aide de la Fondation de l’Hôpital Montfort.