« Pour être capable de vivre et non de survivre »

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Femme noire qui sourit
Bernadeth Betchi

La santé mentale est un sujet de grande importance à longueur d’année, mais ce n’est pas toujours facile d’en parler. Par cette entrevue, nous avons le plaisir de vous présenter Mme Bernadeth Betchi. Bernadeth est titulaire d’un baccalauréat en communication et d’une maîtrise en études des femmes et de genre. Elle est présentement candidate au doctorat en philosophie féministe et études de genre à l’Université d’Ottawa, là où elle consacre ses études à la santé mentale des femmes noires en période post-partum. Bien que le sujet de son étude peut sembler viser qu’une population particulière, la santé mentale et le bien-être de la communauté est l’affaire de tous.

On vous invite donc à lire cette entrevue, longue mais fort intéressante, menée par Dre Marie-Hélène Chomienne, Dre Mwali Muray et Nadine Ngwaka auprès de Bernadeth Betchi.

Bernadeth, comment te vois-tu comme femme? Quel est ton rôle? Comment est-ce que cela te représente, te définit?

Moi je suis une femme noire, je suis une femme africaine et canadienne. Je suis arrivée au Canada, j’avais l’âge de 3 ans, alors on va dire que je connais beaucoup plus le Canada que l’Afrique… mais l’Afrique ne m’a jamais laissé. Je suis née au Cameroun, et j’ai un grand sens d’appartenance à mon pays d’origine. Cela s’est transmis tout au long de ma vie. Mais depuis que je suis maman, je trouve que je me rapproche et je m’appuie beaucoup sur mes traditions, puis sur mon appartenance culturelle, que j’essaie de passer à mes enfants. Je suis maman de 3 enfants. Mon plus vieux, Khalil, va avoir 10 ans. Ma fille s’appelle Zeinab, va avoir 8 ans, et mon plus jeune, Tarik, va avoir 3 ans.

Je crois que je pourrais avoir tous les titres du monde entier, mais en ce moment, le rôle le plus important pour moi et mon rôle de maman. Plusieurs choses que je fais dans ma vie en ce moment, ce sont pour mes enfants… Mes enfants sont ma motivation en fait.

Je suis maman, oui, mais je suis aussi doctorante, puis je suis très impliquée dans ma communauté. Je suis quelqu’un qui veut tisser les relations puis créer des ponts entre différents secteurs, donc par exemple le milieu académique avec le milieu de la santé, et avec plusieurs endroits. Alors ceci est une force chez moi.

Merci du survol par rapport à qui tu es, Bernadeth. Qu’est-ce qui t’a intéressé par rapport à la recherche sur la santé mentale de la femme post-partum? Est-ce que tu peux nous en parler un peu plus?

Oui! En fait, j’ai toujours été très sensible au bien-être de l’autre. Je crois que ce sentiment a grandi lorsque moi je suis devenue maman. Après mon premier garçon, je suis tombé dans une dépression post-partum. Ça fait en sorte que je suis d’autant plus sensible aux femmes noires, aux femmes en général, aux parents en général qui traversent cette expérience.

Ma dépression, je dirais que je m’en suis remis. Mais je crois que l’anxiété qui vient avec la dépression post-partum s’est peut-être multipliée avec les enfants.

Je me souviens, quand j’ai eu mon 3e, je me suis assise à la maison. Il avait à peine quelques heures. C’était la nuit et mes enfants dormaient tous à côté de moi. J’ai regardé mon nouveau-né, puis j’ai regardé les deux autres… et j’ai ressenti un sentiment d’anxiété qui m’a envahi. J’étais rempli d’amour, mais aussi, je suis revenue à la réalité. J’en ai un 3e maintenant, puis je dois m’en occuper. Je dois guider ces trois enfants dans ce monde.

Alors je dirais que la dépression est partie depuis maintenant quelques années. Mais à chaque enfant, il y a ce sentiment d’anxiété. Je suis à l’écoute de mon corps, alors je le sais que ça m’envahit. Puis je sais que ça m’habite.

Bien que le sujet est un peu tabou, comment tu penses que les discussions autour de la santé mentale sont différentes chez les communautés noires que chez les autres communautés?

Il y a un peu de changement, je le vois, j’en suis témoin, mais je crois qu’on amène avec nous, un bagage historique très lourd sur le fait que justement la santé mentale (ou la dépression, ou l’anxiété), ça n’existe pas. Où que si tu ressens des choses comme ça, tu peux prier, tu demandes à Dieu, puis ça va partir.

Bernadeth Betchi

La façon dont on se sent, il n’y a pas de déni, il y a beaucoup de peur d’en parler parce que la femme noire a été toujours illustrée comme cette femme forte qui porte le fardeau du monde entier. Elle est capable de gérer ses 15 enfants, puis elle est toute maquillée, puis elle est parfaite, puis elle réussit à tout. Alors de dire que tu es fatiguée, que tu n’en peux plus, que peut-être que les bruits dans ta tête font trop de bruit, puis les voix s’élèvent et qu’elles sont en train de gagner contre toi, c’est quelque chose qui n’a pas toujours été accepté.

Et lorsque tu en parles, souvent, les gens essaient de te taire ou comme je te dis de dire « va prier, puis ça va aller mieux ». Alors je crois que ce fardeau historique, on l’amène, on l’a transmis de génération en génération… mais je vois une transition. Les derniers temps, je trouve qu’il y a des conversations différentes… les femmes sont un peu plus ouvertes d’en parler, les hommes sont plus ouverts à recevoir, les communautés se mobilisent, puis ils se disent, Oui, il peut y avoir Dieu pour ceux qui sont croyants, mais il y a aussi des experts. Il y a aussi les médicaments. Il y a aussi d’autres façons de discuter et de prendre des actions envers ce sujet. Donc il y a un changement, mais on a encore beaucoup de chemin à faire.

Il y a des gens qui ne sont pas dans les communautés noires qui vont dire « Ben, même dans nos communautés c’est tabou ». Puis je suis d’accord, mais je crois qu’ils ont quand même un peu de longueurs d’avance sur nous parce que dans la communauté noire, si l’on prend l’exemple d’un bébé, c’est tout nouveau, c’est tout naissant, c’est encore tout frais. La façon qu’on parle de la dépression post-partum dans nos communautés, notre bébé, il ne marche pas encore. Je pense que d’autres communautés sont rendues un peu plus loin dans leur conversation. Ils ont même déjà ajouté quelques couches et complexités à la conversation… mais la communauté noire n’est pas encore rendue là.

Dans des études qu’on a faites auparavant, les femmes nous disent qu’elles n’ont jamais osé parler à un professionnel par rapport aux émotions puis à la dépression post-partum qu’elles auraient pu avoir. Alors on sait que comme tu dis, il y a un long historique de déni dans les populations noires par rapport à cette pathologie qui, entre guillemets, n’existe pas. Comment amener les gens à avoir plus confiance ou à comprendre que ça peut aider d’aller chercher de l’aide?

Il y a plusieurs façons, je dirais, si je prends mon exemple à moi. Je suis quelqu’un qui est très à l’écoute de ses émotions, puis qui les extériorise beaucoup. Je suis très expressive. Alors quand je n’allais pas bien, on le voyait. Je pleurais, je l’exprimais, je disais que j’avais beaucoup de douleur à l’intérieur de moi, que j’avais de la peine. On me disait, « mais voyons, ton bébé est là! », mais ce n’est pas une question de mon bébé… je suis heureuse d’avoir mon bébé et en même temps j’ai de la peine.

Les deux peuvent coexister à l’intérieur de moi. C’est très complexe.

Je pleurais beaucoup lorsque j’ai eu la conversation avec ma mère, qui m’a raconté son expérience. Elle a 5 enfants… elle a eu 4 enfants en Afrique et le plus jeune ici. En tant qu’adulte, ma mère m’a confié que lorsqu’elle a eu mon frère ici au Canada, c’est la première fois qu’elle ressentait ce que j’ai ressenti parce que la communauté n’existait pas comme elle existait en Afrique. Son système, son support, il n’était pas le même ici qu’il était au Cameroun. Ma mère avait beaucoup de sœurs et de frères, elle avait quelqu’un qui travaillait à sa maison donc ma mère disait toujours, « J’ai seulement appris ce que c’était que d’accoucher lorsque je suis arrivée au Canada ».

Au pays ce qui arrivait, c’est que lorsqu’elle accouchait, tout le monde s’occupait d’elle et du bébé. Ici, tu rentres à la maison après un, deux, ou trois jours… les gens viennent te visiter la première semaine, puis c’est terminé! Il y a peu de visite, tu es toute seule, très isolée.

Ainsi, ma mère m’a avoué qu’elle aussi avait ressenti les mêmes émotions que moi. On dirait que j’avais besoin de cette validation de ma mère, de cette femme que j’ai toujours vue debout, forte, qui accouchait, qui était dans la cuisine. Elle faisait ça, mais vraiment à l’intérieur, elle vivait exactement les mêmes choses que moi. Sauf qu’elle l’a montré d’une façon différente.

Je crois que beaucoup d’entre nous cherchent cette validation chez nos mères, nos tantes, les gens de nos familles qu’on idéalise, qu’on regarde comme modèle. Je crois que ça pourrait être une façon de nous donner le droit de dire écoute, moi je m’en suis peut-être sortie, ou peut-être je ne m’en suis jamais sortie. J’ai seulement dû survivre.

Alors, toi, pour être capable de vivre et non de survivre, va voir le professionnel.

Je pense que c’est peut-être d’avoir les conversations puis de se faire dire par des gens qu’on aime tellement, « Moi aussi je l’ai vécu. Puis si j’avais à le refaire, je le ferais différemment. Peut-être la façon que je le ferais différemment, c’est que j’irai voir quelqu’un pour m’aider à traverser l’épreuve ».

Comme communauté, les personnes noires ne sont pas monolithes, alors moi peut-être qu’un groupe de soutien par les paires ça me, ça me parlerait beaucoup. Mais la personne à côté de moi qui est une femme noire aussi, peut-être qu’elle veut garder ses problèmes puis ses soucis dans son foyer. Puis c’est plus important pour cette personne de parler à un professionnel, une personne comme seulement un à un en huis clos. Alors je crois que c’est important d’offrir plusieurs options, puis les gens vont trouver ce qui leur colle à la peau.

Si l’on peut avoir quelques personnes qui s’expriment et qui font preuve de beaucoup de courage, ça peut vraiment aider les autres personnes… on peut penser aux prochaines générations, à nos enfants qui peuvent voir les exemples de leur mère qui ont été forts de leur père, qui ont été courageux. Comment est-ce que la santé mentale peut être abordée d’une génération à l’autre?

Ma mère, je ne l’ai jamais vue s’asseoir, je ne l’ai jamais vue se reposer. C’est pour ça aussi qu’au début, dans ma présentation, je l’ai dit, j’essaie de travailler sur mes enfants, c’est une partie de moi, mais moi en tant que femme j’existe aussi. J’essaie tellement d’être intentionnelle et de montrer que maman n’est pas seulement là pour travailler : elle est aussi là pour s’amuser, elle est complexe, elle est pleine d’émotions, elle est pleine de tout.

J’essaie aussi de couper certaines choses qui m’ont été montrées. Je n’en veux pas ma mère parce que c’est ce qu’elle connaissait. C’est ce qu’elle savait. Mais j’ai la conversation avec elle pour dire que moi y a des choses que je ne vais pas essayer de transposer, surtout chez ma fille, parce qu’elle voit comment sa maman travaille. Je sais que mes enfants m’observent, je veux m’assurer que mes enfants m’observent aussi me reposer. Avoir de la joie, prendre du temps pour moi… puis aussi de savoir que maman parfois elle a de la peine, parfois elle a de la colère, parfois elle est heureuse. Toutes les petites choses de la vie et non seulement dans le travail.

Pour moi, c’est important de leur présenter une maman qui est multidimensionnelle.

Je n’ai jamais vu ma mère vivre sa dépression post-partum… mais moi je veux leur montrer la réalité de façon équilibrée. « Écoute en ce moment ça ne va pas bien, mais j’essaie, tu vois… mais ça ne va pas bien ». Alors d’avoir ces conversations-là avec nos enfants pour leur dire que c’est normal parfois de ne pas aller bien. Ça fait partie de tout.

À Montfort, il y a tellement de professionnels de la santé. Certains qui ont une expertise en santé mentale, et d’autres qui se connaissent moins par rapport à la santé mentale, mais qui sont quand même ouverts à cela. Comment est-ce que les professionnels de la santé peuvent être un peu plus ouverts ou prêts à recevoir les témoignages, les vécus et les histoires des personnes noires qui peuvent être en train de se confier par rapport à leur santé mentale pour la toute première fois?

Les professionnels de la santé doivent avoir une meilleure sensibilité culturelle. En ce moment, ça manque beaucoup, on parle aux gens comme si l’on était tous une personne. Puis ce n’est pas vrai.

Il faut une sensibilité culturelle, une sensibilité de l’individu, et une sensibilité aussi de l’environnement. Il faut pouvoir communiquer un message que la personne va comprendre.

Mon premier amour, c’est le monde des communications. J’ai un baccalauréat en communication, puis une qui se concentrait sur la culture et l’identité. C’est souvent ce qu’on disait, c’est que moi je vais vous envoyer un message. Je vais vous parler d’une certaine façon, mais si je vais parler à d’autres personnes, qui n’ont peut-être pas les connaissances que vous avez dans ce domaine, il faut que je massage, que je façonne mon message pour que ces gens le comprennent. Alors si tu parles à quelqu’un qui vient d’arriver par exemple, puis que dans son pays ça n’existe pas, la dépression post-partum où ça existe peut-être, mais on ne parle pas vraiment de thérapie, on ne parle pas du tout de médicaments. Puis tu lui arrives tout de suite avec, « vous avez un problème, vous êtes malade, vous devez prendre tel traitement », ben cette personne ne va probablement jamais revenir. Alors il faut avoir cette sensibilité avec les gens. Puis je trouve que ça manque beaucoup cette sensibilité culturelle.

Il faut revenir à l’humain, qui a des émotions, des douleurs. Il faut que cette personne soit prise dans nos bras, puis qu’on puisse y aller à son rythme, qu’on puisse lui annoncer les choses d’une façon dont elle les comprenne. Donc, cette sensibilité culturelle, cette sensibilité de l’individu. Moi, je crois que c’est quelque chose qu’on doit travailler chez plusieurs professionnels de la santé.

Oui, ça, demeure un défi majeur. Quant aux hommes et la santé mentale, comment tu l’as vécu?

Les gens vont souvent s’attarder à la carapace à l’extérieur, puis au fait que je suis quelqu’un qui est très dynamique. Go Go Go. Les gens vont voir ce que je fais. Et je trouve que dans ce pays on attribue beaucoup la performance avec le fait que la personne va bien. Si la personne fait beaucoup de choses, ben c’est qu’elle va très bien. Alors le père de mes enfants avait vu ça chez moi, puis ça s’est comme pris une brique sur la tête lorsqu’après mon accouchement tout d’un coup, j’avais besoin pour la première fois dans notre relation qu’il s’occupe de moi.

Pour le père de mes enfants, ça a été difficile. Il m’a quand même appuyé de la façon dont il pouvait, sachant que lui aussi je crois qu’il a vécu un post-partum. Notre accouchement était difficile, suivi de quelques jours aux soins intensifs. De me voir dans cet état, ça a été très difficile pour lui. Il a été fort aussi longtemps qu’il a pu, mais sa santé mentale aussi a commencé à chuter.

Alors lorsque lui a commencé à ne pas bien aller, ben moi je me suis dit, mais on ne peut pas tous les deux être en difficulté. Alors, le lendemain tout d’un coup c’était fini. Je n’avais plus rien. J’étais correct. Même si je n’allais pas bien, je me suis levée. J’ai comme ignoré la façon je me sentais.

J’ai eu la chance, ma mère était avec moi. Ma mère m’a accompagné chaque grossesse et est restée avec moi plusieurs mois après mes grossesses. De même, les hommes dans ma famille, mes frères sont très protecteurs, alors j’avais des appels. Tout le monde était à l’affût, tout le monde était prêt. Je crois aussi que je ne suis pas tombée en dépression comme la première fois parce qu’ils étaient tous prêts. Les hommes autour de moi, mes frères, ont commencé à voir un peu certains symptômes, puis ils ont été tout de suite proactifs. On s’est occupé de moi, c’est moi qui venais d’accoucher. Ce que j’ai besoin de faire pendant les prochains mois, c’est d’allaiter mon bébé, puis de me reposer.

Je ne force pas nécessairement les hommes de ma vie à entrer dans des moules là où ils ne se sentent pas à l’aise. Toi, tu es celle entrain de guérir, puis tu dois aussi apprendre aux autres comment gérer leur chose. Je trouve ça un peu épuisant. Mais je trouve qu’il y a aussi une importance à reconnaître que le partenaire où les gens autour de toi peut-être sont en train de vivre la répercussion de ta dépression. Donc ton partenaire peut être lui-même en dépression. Les gens autour de toi qui te voient en situation de panique et d’inconfort peuvent être aussi en train de vivre leur propre détresse. Il nous faut aussi reconnaître ces choses-là, puis ça on le sait, les études le disent,

les hommes aussi, ils vivent des dépressions post-partum.

De même, il faut aussi mettre un peu l’accent sur la façon dont les hommes peuvent mieux supporter leur femme, ou leur partenaire. Parce que, ce n’est surtout pas lors du quatrième trimestre que la femme doit commencer à enseigner à l’homme comment mieux la soutenir dans cette étape. Alors la conversation doit se passer avant et pendant la grossesse. On doit élever nos hommes, on doit élever nos garçons dans la compréhension de ces choses. Je pense qu’il doit y avoir un changement dans l’apprentissage et dans la façon dont on élève nos garçons.


Je voulais aborder les services en français, mais on sait qu’il n’y en a pas suffisamment, et qu’il y a beaucoup d’efforts à fournir de ce côté-là aussi.

Je l’ai dit souvent, je parle très bien anglais, je peux me débrouiller dans les deux langues officielles parfaitement, mais lorsque je suis en plein dans mes émotions, moi j’aimerais que tu comprennes mes nuances en français, puis sans être discriminée. J’ai besoin de quelqu’un francophone qui connaît les nuances de mes mots. Je n’ai pas besoin de lui expliquer, je peux vivre mes émotions sans me préoccuper de ce qu’il comprend, de ce que je dis, est-ce que le sens a été échappé à cause du mot que j’utilise, et plus encore. Alors ça, c’est une autre chose… il n’y a pas assez de diversité linguistique, et ceci est un échec total. Puis ça fait en sorte que nos chiffres sont encore plus bas dans l’utilisation des services qui sont créés pour les femmes ou les parents qui sont en besoin d’experts en santé mentale.

Nous sommes maintenant en contexte post-pandémie, mais les difficultés de pénurie du personnel et d’autres défis continuent d’ajouter beaucoup de stress, autant pour leur journée de travail que pour le quotidien des professionnels à Montfort. Ainsi, l’épuisement professionnel et la santé mentale sont des enjeux auxquels les divers travailleurs à Montfort sont confrontés. Est-ce que tu as des conseils ou bien quelque chose que tu pourrais les dire pour les encourager en cette période qui reste tumultueuse?

Tout d’abord, merci pour leur travail. De l’extérieur, je crois que lorsque tu vas dans une profession comme celle-là, c’est parce que tu aimes le prochain, puis tu veux l’aider. Je trouve cela important et admirable. Aussi, on reconnaît la charge de travail qui leur est donnée, puis que moi je trouve carrément inhumaine. Alors merci de faire ce qu’ils font, de la façon dont ils le font avec les conditions de travail auxquelles ils sont maintenant confrontés.

Je crois que c’est important de se rappeler de prendre conscience des deux côtés de la médaille. La personne qui cherche de l’aide et la personne qui offre cette aide de se rappeler des raisons pour lesquelles ils sont là… et peut-être ça va nous encourager à continuer d’une façon plus productive.

Nous sommes présentement en train de faire une enquête sur la santé mentale de la communauté noire d’Ottawa. Alors comment est-ce qu’à travers un petit sondage et quelques entrevues, on peut mobiliser un petit peu les décideurs pour qu’ils comprennent la problématique?

Ça prend des comme tu dis, ça prend des gens qui sont prêts à aller partager leur vécu sur la place publique, où d’autres peuvent non seulement l’entendre, mais se reconnaître dans l’histoire. Pendant longtemps, on attribuait beaucoup cette histoire de santé mentale. Seulement, par exemple, moi je voyais beaucoup de femmes blanches raconter leur histoire, puis je me retrouvais dans ce qu’elle disait, mais il y a des complexités qu’elles ne pouvaient pas comprendre que moi, en tant que femme noire, je vivais.

Je dirais que dans beaucoup d’écosystèmes, c’est comme ça. Souvent la femme blanche, elle a beaucoup pris la place. Puis toutes les femmes noires ou racisées, c’est comme si notre histoire découlait de son histoire. Alors moi je crois que si l’on offre l’occasion d’en parler, ça va faire peut-être l’effet boule de neige. Une en parle, une autre en parle, puis peut-être oui sur la place publique, mais aussi dans des endroits un peu plus intimes. Parce que souvent il y a des gens qui ne sont pas à l’aise de discuter devant tout le monde. Mais si l’on se retrouve dans une salle avec des femmes qui ont la même couleur de peau ou des variantes, ça amène une sorte d’intimité qui fait en sorte que peut-être elles vont se permettre d’être courageuse et d’ouvrir la bouche et de raconter leur histoire.

Et puis celles qui sont ouvertes à aller parler à plus de gens, à aller s’exprimer pour que ce message se fasse entendre par des dirigeants, c’est à ces personnes-là aussi de leur donner l’occasion de partager. Je le dis toujours, j’ai cette facilité, alors utilisez-moi. Par contre, parfois tu ne sais pas toujours où aller ou quoi dire et comment le dire. Mais lorsque les occasions sont offertes, je crois qu’il y en a beaucoup plus qui seraient ouvertes à discuter, d’une façon ou d’une autre.


Portrait de l’état de santé mentale et perceptions sur les services de santé mentale de la communauté noire francophone d’Ottawa : une étude par méthodes mixtes

Cette entrevue vous a-t-elle interpelée?

L’Institut du savoir Montfort, l’équipe de recherche de l’Université d’Ottawa et de l’Hôpital Montfort menée par les Dres Chomienne et Muray et avec le soutien de Santé publique Ottawa, souhaite continuer la discussion par rapport à la santé mentale de la communauté noire francophone d’Ottawa. Ainsi, vous êtes invité à contribuer à l’étude et de compléter soit un sondage virtuel ou une entrevue individuelle avec l’équipe de recherche, selon votre préférence.

Le but de ce projet est de mieux comprendre l’état de santé mentale, les besoins, valeurs et croyances qui entourent la santé mentale et l’accès aux services de santé mentale pour la communauté noire francophone d’Ottawa vivant en situation linguistique minoritaire. Il est important de connaître les défis, les compréhensions et les expériences des membres de la communauté noire en matière de santé mentale, d’accès aux services de soins de santé mentale et de la prestation de ces derniers.

Nous voulons travailler avec les communautés pour définir et mettre en œuvre des stratégies visant à améliorer la santé mentale des résidents d’Ottawa. On compte utiliser les renseignements en vue d’améliorer la qualité des services de santé mentale. Également, nous souhaitons sensibiliser davantage les fournisseurs de services et de soins de santé aux défis confrontés par les membres de la communauté noire d’Ottawa.

Nous cherchons toujours des participants. Ainsi, on vous invite à participer en grand nombre, et à partager cette invitation dans vos réseaux.

Merci de votre lecture, et au plaisir d’avoir de vos nouvelles!


Pour toute question concernant cette étude, veuillez contacter la coordonnatrice de recherche :

Nadine Ngwaka
Téléphone : 613-799-7369
Courriel : nadinengwaka@monfort.on.ca