Caroline Roy-Egner entame sa dixième année à Montfort. Vous connaissez sûrement la vice-présidente pour ses responsabilités en ressources humaines et planification stratégique, notamment, mais peu de gens connaissent son parcours professionnel somme toute inusité. Nous l’avons rencontré pour discuter de sa carrière, de ce qui l’a mené vers les ressources humaines, et des raisons qui font qu’elle demeure fidèle au poste.
« Non, je ne prévois pas prendre ma retraite cette année, » dit d’emblée Caroline, à la blague. Ça donne le ton. Décidément passionnée par son travail, la vice-présidente se veut rassurante : elle compte faire partie de l’équipe Montfort encore quelques années.
Si elle s’est découvert une passion pour les ressources humaines, et pour le domaine de la santé, son parcours professionnel a cependant commencé bien loin de Montfort.
De Québec à Ottawa, en passant par avocate
« Quand j’avais 5-6 ans, mes parents étaient responsables de patinoires extérieures, » raconte Caroline. « Ma mère s’occupait de la cantine de la patinoire et moi, j’aidais à vendre! On a dû voir juste mes yeux au-dessus de la demi-porte, quand je rendais la monnaie aux gens. Tout le monde disait à mes parents que je devais devenir comptable, que j’étais bonne avec l’argent. »
« Ça m’est resté en tête, et après mon secondaire, je me suis dirigée vers la comptabilité, » dit Caroline, « mais j’ai haï ça ! » ajoute-t-elle d’une traite, en riant. « J’étais bonne, mais je ne me voyais pas faire ça toute ma vie. »
C’est en consultant les services d’orientation du CÉGEP que Caroline a dessiné la suite. « J’ai fait mon bac en ressources humaines à l’Université Laval, » explique-t-elle, ajoutant que le contexte était toutefois difficile pour les finissants. « On était à peu près 300 étudiants dans le programme, et très peu ont eu un poste dans le domaine. La plupart faisaient une maitrise ou un deuxième bac et se dirigeaient en droit ou en comptabilité. »
Vous aurez deviné que son choix ne s’est pas arrêté sur le monde comptable. « C’est comme ça que j’ai atterri en droit et j’ai adoré ça, » enchaine Caroline. « Quand j’ai commencé à pratiquer le droit, j’ai touché à d’autres volets du domaine et je me suis découvert plusieurs passions. J’ai fait du droit de la construction, du droit commercial, du droit du travail, du droit de la santé et sécurité, du droit de la faillite, » raconte-t-elle. « Un de mes premiers dossiers comme stagiaire en droit, c’était des défauts majeurs dans la construction d’un hôpital dans le nord. »
Le marché de l’emploi n’était toutefois pas beaucoup plus rose pour les jeunes avocats. « À l’époque, quand j’ai gradué, le marché de l’emploi dans une petite ville comme Québec n’était pas extraordinaire pour les bureaux d’avocats, il n’y avait pas de nouveaux postes d’avocats juniors, » dit Caroline.
« Je devais ouvrir mes ailes. Je devais déménager. » Ce fut un tremplin pour Caroline. « Le goût de l’aventure a fait que j’ai commencé à postuler à Montréal et à Ottawa. » C’est ainsi qu’elle a obtenu un premier poste en ressources humaines dans la région de la capitale, « aux Sœurs de la Charité » que l’on connait maintenant sous Bruyère.
« Mon objectif en venant à Ottawa, c’était de rester ici deux ans pour améliorer mon anglais. Je voulais aller travailler dans de grandes firmes à Montréal où l’on exigeait le bilinguisme, » dit-elle, « mais je suis tombée en amour avec la région. Il y a beaucoup de parallèles entre Québec et Ottawa : deux capitales, beaucoup d’espaces verts, il fait bon y vivre… c’est à une échelle humaine. Ça va bientôt faire 30 ans ! »
La carrière d’une passionnée
Quand on demande à Caroline ce qui l’a ramenée vers les ressources humaines après avoir pratiqué le droit, elle répond qu’encore aujourd’hui, les deux domaines la passionnent. « Je suis encore membre du barreau, je fais des lectures en droit, je me tiens à jour dans les deux domaines. »
Ce qui a gagné son cœur, cela dit, « c’est qu’en ressources humaines, on a la chance de faire la différence dans la vie des gens de façon beaucoup plus concrète, » affirme-t-elle. « On a la mission de l’organisation en tête chaque jour, tous les jours. Ça donne une raison d’être, de se lever le matin. »
En plus, « Montfort, et d’autres organisations où j’ai travaillé, sont très complexes et multifacettes, ce qui fait que c’est très varié et intéressant. Je commence ma dixième année à Montfort et je ne me suis pas ennuyée une seule journée. »
Il est vrai que le droit et les ressources humaines ont beaucoup de points en commun. Ajoutons à cela le contexte du milieu de la santé, et on obtient une combinaison qui plait beaucoup à la vice-présidente. Elle ajoute d’ailleurs que « les principes de justice s’appliquent très bien à une philosophie de gestion des ressources humaines dans un hôpital. C’est vraiment très complémentaire. »
La justice, c’est une valeur évidente chez Caroline. « Ça m’intéresse, ça me passionne, c’est important pour moi, » renchérit-elle, en faisant allusion notamment aux initiatives en matière de sécurité psychologique et d’antiracisme, équité, diversité et inclusion, à Montfort. « C’est un de mes objectifs personnel et professionnel de voir un vrai milieu inclusif se réaliser. C’est une chose de mettre en place des programmes, d’en parler, de lire sur le sujet, mais l’objectif, c’est une transformation durable qui permettra de mesurer et de vivre la différence. »
« Quand on pourra dire qu’on la vit, la différence, qu’on la sent en entrant entre les murs de Montfort… c’est ce qui me motive. J’espère qu’on y arrivera. »
S’il y a une chose qui habite le parcours de Caroline, c’est d’avoir un impact sur les gens. « Toute ma vie j’ai continué d’apprendre, d’aider des gens et des organisations à grandir. La vie nous envoie dans des directions parfois qu’on n’aurait pas envisagé, mais quand on prend le recul et qu’on regarde, on comprend pourquoi quand on rattache ça à nos valeurs. Je me sens tellement en lien avec mes valeurs quand je suis au travail. »
« Montfort, c’est mon hôpital »
Caroline n’en est pas à son premier rôle au sein d’un hôpital. Quand on lui demande ce qui distingue Montfort, elle répond sans hésiter que « c’est un milieu qui est unique. » Se décrivant fièrement comme « une Franco-ontarienne d’adoption, » elle ajoute que « notre mandat francophone est aussi très aligné avec mes valeurs, de continuer à être là pour préserver l’offre tellement importante de services de santé en français. Il faut qu’il y ait des gens qui restent dans des organisations comme nous pour continuer à protéger le français en Ontario. »
« Montfort, c’est plus que mon hôpital, c’est plus que mon employeur, » dit Caroline, en souriant. « C’est aussi une place où je peux réaliser ça, contribuer à ce que l’on continue de jouer notre rôle dans la protection des services en français. »
« C’est mon hôpital. J’aime Montfort, j’aime les gens de Montfort. »
La cheffe des ressources humaines souligne également l’ambiance familiale qui règne à Montfort, et les multiples avantages que procure l’hôpital comme milieu de travail. « La verdure autour, même la route pour se rendre à Montfort c’est agréable, » dit Caroline, qui dit apprécier l’équilibre que lui apporte le fait de travailler « en ville » en habitant la campagne. « C’est à la fois relaxant et inspirant ; une bonne façon de gérer le stress. Se retrouver en famille tout près de la nature est un cadeau que je vis tous les jours. »
Un monde de défis
On a rarement autant parlé de ressources humaines, dans l’espace public. Est-ce que ça change l’approche, la perspective, pour la vice-présidente ? Est-ce qu’on voit les choses différemment dans un contexte comme celui-là ?
« C’est intéressant comme question. Quand je suis arrivée en Ontario, et au début des années 2000, on parlait déjà d’une pénurie d’infirmières, » se rappelle Caroline, dont l’essai lors de sa maitrise portait justement sur un modèle de rétention pour les infirmières. « Je suis tombée sur une copie de mon essai, dernièrement, et je me suis rappelée que c’était pour ça que j’avais choisi ce sujet de recherche. »
C’était il y a une génération, « mais c’est curieux comme certaines choses se ressemblent 20 ans plus tard. Il y a des cycles, » indique Caroline. « Avant la pandémie, on commençait à sentir davantage la pénurie, mais quand on parle de unprecedented times, c’est très vrai. Certaines solutions qu’on avait envisagées auparavant ne s’appliquent plus, les temps ont changé. On doit se réinventer continuellement et c’est cela qui nous pousse à continuer. »
« C’est essentiel de rester connecté avec les gens du terrain pour prendre les bonnes décisions, pour recommander les bonnes orientations. »
« La pénurie actuelle c’est un phénomène mondial très complexe. Il y a vraiment de nouvelles carrières qui montent en flèche alors que d’autres sont moins recherchées, » articule Caroline. « C’est une nouvelle réalité qui suit l’évolution de la société, les goûts des gens qui ont changé. Quand on met toutes ces composantes-là ensemble, c’est sûr que c’est une problématique complexe à régler. »
« Il faut vraiment s’alimenter de la recherche, être à l’écoute des gens. Ce qui ressort de la pandémie, notamment, c’est l’agilité et la résilience, mais ça doit aller main dans la main avec la flexibilité, » énonce Caroline. « Les gens pensent différemment, ça a changé des paradigmes profonds dans la façon dont les gens voient la vie. »
« Il n’y a pas de baguette magique et il n’y en aura pas. Il ne faut surtout pas essayer d’utiliser les recettes du passé pour trouver des solutions. »
« Un de mes plus grands rêves c’est qu’on puisse montrer aux jeunes tout ce qu’on fait dans un hôpital, notre mission d’aider l’humain, » souhaite Caroline. « C’est très positif, ce qu’on fait. Il faut enlever les aspects clichés, les idées préconçues. Pour plusieurs jeunes, leur seul souvenir d’un hôpital c’est quand des grands-parents sont décédés, alors ça donne un aspect négatif. Il faut mettre en lumière les aspects positifs du milieu de la santé, » croit-elle, soulignant au passage l’importance de programmes comme les jeunes bénévoles, qui permettent justement de faire découvrir le milieu à une nouvelle génération.
Optimisme pour la suite
Comment Caroline voit-elle la suite ? Comment remédiera-t-on à la pénurie actuelle ? Quels seront nos prochains défis ? « C’est une transformation majeure du système, » réplique-t-elle, sans hésiter. « On ne réussira pas à passer à travers les défis de ressources humaines que l’on connait aujourd’hui sans transformer le système. Les méthodes d’attraction et de rétention des années 2000 ne fonctionnent plus, les façons traditionnelles de donner des soins non plus. »
« C’est une chose que j’aime à Montfort, on croit à l’amélioration continue, on n’a pas peur d’essayer des choses, on est déjà en train de transformer le système. »
« Je rêve qu’on soit les premiers à être novateurs, à offrir une approche différente à nos patients et à nos employés, » dit Caroline, ajoutant que la flexibilité sera la pierre angulaire du changement. « Il faut rendre le système plus agile et c’est une variété de choses qu’il faut mettre en place. Si on trouve la recette, mon projet de retraite ce sera de faire un doctorat là-dessus ! » ajoute-t-elle, avec humour. « J’aimerais beaucoup ça. »
Tirer des leçons du passé pour transformer l’avenir, c’est une évidence pour Caroline. « Même si les défis aujourd’hui nous semblent énormes, parfois insurmontables, je suis persuadée que les gens à Montfort, avec leur sens de la collaboration et de l’innovation, ont la force de s’adapter. »
« On a passé à travers d’autres crises au fil des ans, » affirme Caroline, citant entre autres SOS Montfort. « Notre résilience, notre capacité à nous réinventer, ça nous donne une longueur d’avance. C’est intrinsèque à qui on est à Montfort. »
« Ça fait aussi partie de mes devoirs, dans une optique de recrutement, d’amener des gens qui ont des compétences et des habiletés complémentaires, mais surtout qui ont cette même prédisposition à ne pas avoir peur d’oser. »