Noëls d’antan à Montfort

1918

Aussi loin que je me souvienne, ma mère, Gurli Lapointe, a travaillé comme infirmière diplômée à Montfort. Être l’une des premières infirmières de l’urgence était très spécial pour ma mère, puisqu’elle s’était jointe à l’équipe lorsque Montfort venait d’ouvrir.

J’ai de très bons souvenirs de cette « famille Saint-Louis Marie de Montfort » : c’est comme ça qu’on se sentait.

Je me souviens que tout le monde trouvait toujours étrange qu’une infirmière diplômée avec un nom de famille clairement français, dans un hôpital clairement francophone, parle anglais – oui, mais attendez ! Elle s’assurait que les patients soient traités avec soin et attention, car elle comprenait bien le français, mais la deuxième langue de Maman était le suédois !

Coupure de journal d'archive montrant un couple qui s'embrasse
Gurli est née en Suède, et mon père l’a rencontrée en Corée. Elle était lieutenant de la Croix-Rouge dans l’armée suédoise.  Mon père était dans les forces canadiennes. Ils se sont mariés en Corée.  

Je me souviens qu’elle « cuisait » son uniforme et sa coiffe dans de l’eau de javel bouillante sur le poêle pour qu’ils soient d’un blanc éclatant. L’amidon vaporisé devait assurer que la coiffe d’infirmière repose sur sa tête comme une couronne fixée avec des épingles à cheveux blanches. Les chaussures blanches d’infirmière étaient toujours cirées pour le lendemain. Les collants avec une large couture à l’arrière devaient être parfaitement centrés. Et la magnifique cape d’infirmière de maman – longue et gracieuse, bleu marine foncé, doublée de satin rouge et munie d’un bouton en laiton doré au col. Elle était toujours parfaite pour ses quarts de travail.

À l’époque, Maman prenait souvent les bus d’OC Transpo pour se rendre au travail, le numéro 51, avec un transfert pour le numéro 2 à ce qui était alors Eastview Plaza; l’autobus allait jusqu’aux portes d’entrée de Montfort.

Je connaissais aussi le trajet car je prenais le bus pour les fêtes de Noël et les pique-niques de l’hôpital.

Les fêtes de Noël se déroulaient toujours à la cafétéria. Le personnel préparait de merveilleux biscuits et des friandises pour tout le personnel et les familles qui y assistaient. Je chérirais toujours ce souvenir puisque j’y ai noué des amitiés pour la vie. Le Père Noël était toujours joyeux, et nous recevions tous un très beau cadeau.

Je me souviens d’une fois où le Père Noël a même reconduit maman à la maison après une garde, en compagnie d’un elfe, je suis même sûre d’avoir entendu le renne dehors.

La famille des employés de Montfort a fait en sorte que tout le monde se sente spécial. Parfois, maman était ramenée chez elle par la police ou l’ambulance lorsqu’elle travaillait dans l’équipe de minuit.

Maman s’est vite fait connaître dans la communauté; son prénom – « Gurli » – était connu de tous. Ils envoyaient leurs blessés chez nous pour voir si une visite aux urgences était nécessaire. Maman n’allait jamais nulle part sans que quelqu’un lui dise bonjour et la remercie de ses soins lors de leur récente visite à Montfort.

Lorsque Maman a reçu l’épinglette soulignant ses 15 années de service à Montfort, elle l’a fait monter en bague.

Le personnel des urgences était une famille très unie et cela a duré bien après que Maman aie pris sa retraite au milieu des années 80.

J’étais si fière de pouvoir me vanter du fait que Maman y travaillait.

Bien sûr, l’hôpital tout entier était comme une famille avec, pour moi, les urgences qui semblaient être le cœur du bébé qui est devenu Montfort.

J’ai appris à connaître tout le monde car j’allais souvent déjeuner ou dîner avec Maman à la cafétéria. La cafétéria préparait tous les repas à partir d’aliments frais, il ne sortait pas grand-chose d’une boîte de conserve à l’époque ! Je me souviens avoir vu des légumes frais être lavés et épluchés. Une tourtière savoureuse, un pâté chinois, pour n’en citer que quelques-uns. Tarte maison comme dessert.

Reconnaissez-vous des visages? En quelle année et dans quel local croyez vous que cette photo a été prise?

Radiographie, pharmacie, ECG, beaucoup moins dotés en personnel que selon les normes d’aujourd’hui, et le bloc opératoire et l’unité de soins intensifs où ça semblait un peu plus tranquille que l’action continue des urgences.

Les histoires que Maman racontait, certaines drôles, d’autres tristes, d’autres encore incroyables…. Je ne me lassais jamais d’entendre les infirmières lorsqu’elles se réunissaient pour marquer les étapes et les événements de la vie de chacune. Cela aussi a continué avec les changements de la vie et les déménagements.

Vers 1975, un joueur de hockey suédois, de l’équipe junior Rockland Nationals, est arrivé à Montfort avec le nez cassé.
Il jurait en suédois dans l’urgence.

« Ta mère m’a attrapé le bras et m’a dit : ‘On n’utilise pas ce langage ici!’, m’a-t-il raconté par la suite.
« Elle l’a dit non seulement en suédois, mais dans mon dialecte ! »  

Je me suis portée volontaire pour être jeune bénévole (candystripper) pour les Dames auxiliaires, dirigées par Mme Hoffman. J’adorais l’uniforme, rose tendre et blanc. J’ai travaillé en pédiatrie et en gériatrie, promenant le chariot de livres, nourrissant les bébés, massant des épaules, lisant des histoires aux personnes âgées.

J’ai ensuite pris un chemin différent, et j’ai choisi un emploi dans la vente de produits médicaux, où je pouvais continuer à soutenir tous les secteurs de l’hôpital. Montfort a toujours été mon client préféré.

Ma mère est décédée le 12 novembre 2013. Le « 11-12-13 ». Elle avait 98 ans.

Maintenant que je suis à la retraite et que cette pandémie nous oblige tous à rester à la maison autant que possible, j’ai décidé qu’il était temps de passer en revue les photos de ma mère. Je me suis dit que les souvenirs et les objets de valeur seraient mieux là où ils devraient être.

Certains noms me reviennent facilement en mémoire… Shirley Delaney, Loren Spafford, Audrey Hardy, Claire Carrier, Nora Evans, Ray Laurette, Claire Larocque, Kay Larivière, Muriel Côté, Claire Spears…

Et il y en a tant d’autres… Dr Ramesh Chauhan, je crois qu’il travaille encore? Dr MacGladry ou McGladry, je ne suis pas certaine. Dr Osman, Dr Ian Gary Gross, Dr Benti, Dr Henry Masson, Dr Séguin, père et fils. Bernard et Daniel je crois, Dr Wayne Howell, Dr JP Germain …

Je suis certaine que d’autres noms de photos vont me venir à l’esprit, mais pour l’instant, profitez des photos autant que nous avons pris plaisir à en faire des souvenirs.

Chaleureusement,

Norma Lapointe