Les miracles de l’équipe d’approvisionnement

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Daniel Anctil, directeur, approvisionnement, logistique & URDM à Montfort, nous raconte comment son équipe a réussi à trouver le matériel nécessaire à la lutte contre COVID-19 pour l’Hôpital Montfort.

Depuis la fin janvier, on avait des rencontres hebdomadaires avec Josée Shymanski, gestionnaire en prévention des infections à Montfort, qui nous informait de l’évolution du coronavirus, le contrôle des infections, les initiatives que Santé publique Ottawa mettait en place, etc. Nos problèmes étaient surtout l’approvisionnement pour les masques N95. Les directives en matière de protection personnelle étaient très floues et les niveaux de protection par type d’intervention, tout autant.

Le 13 mars, on a créé le Centre de commande des mesure d’urgence, à Montfort, pour planifier en vue de la COVID-19. Le 14 mars, j’ai suivi une formation sur le modèle de gestion des incidents, et dès que je suis sorti de ma formation, je suis allé directement au centre de commande. Ce matin-là j’ai senti que ce ne serait pas comme la normale. On est passé tout de suite de la théorie à la pratique.

C’est à partir du 14 mars qu’on a connu une explosion d’enjeux en approvisionnement et de gestion de matériel.

On a dû trouver des moyens pour faire des miracles.

Un des exemples : la première fin de semaine, notre PDG, Dr Bernard Leduc, et notre médecin-chef, Dr Stéphane Roux, ont tous deux trouvé des sources d’approvisionnement dans la communauté. Ils ont reçu des offres de dentistes et de médecins de famille qui pouvaient nous donner des masques d’isolement, des gants, des écouvillons (swabs), d’autres fournitures… C’est ensuite devenu un tourbillon des gens de la communauté, qui nous donnaient des références pour aller chercher des dons ou des sources d’approvisionnement alternatives.

Boîtes pleines de fournitures reçues du collège La Cité

Le deuxième weekend, on a commencé un partenariat avec des étudiants en génie de l’Université d’Ottawa pour la production de visières avec des imprimantes 3D. C’était un sérieux problème et ils nous ont donné un réel répit. Cette initiative a été menée par Dr Prud’homme et Dr Leduc.

Même chose pour les civières, les lits et les boîtes de matériel donnés et prêtés par le collège La Cité

Un autre défi est que les directives d’habillement changeaient d’une journée à l’autre.

Sur les étages, la vision des membres du personnel était parfois différente des directives des autorités. Il a fallu mettre en place des processus de contrôle, pour avoir une idée claire de nos inventaires et s’assurer que les différentes unités utilisaient les équipements de protection individuelle (ÉPI) de la façon appropriée. Mettre un masque N95 pour une procédure qui ne le nécessite pas, ça peut donner un faux sentiment de sécurité et c’est du gaspillage! Heureusement, le ministère et les entités de santé publique ont clarifié les directives, mais elles demeurent en constante évolution. 

Matthieu Laplante, Daniel Anctil, Pierre-Luc Malboeuf et Jonathan Roy de l’équipe de l’approvisionnement

L’équipe de la gestion de matériel (Normand Bisaillon/Jonathan Roy et leur équipe) avec le support de Pierre-Luc Malboeuf ont fait des pieds et des mains pour mettre en place des processus de distributions et de contrôle du matériel afin de répondre adéquatement aux besoins du personnel infirmier et médical, en plus de voir à la mise en place de la clinique sur le chemin Heron. Travail exigeant qui a demandé évidemment beaucoup d’efforts, agilité et doigté afin de répondre non seulement aux besoins, mais aux inquiétudes du personnel.

Nous avons aussi commencé à recevoir nos fournitures de nouveaux fournisseurs. Nous avons dû développer de nouvelles sources d’approvisionnement, car celles utilisées normalement sont toutes devenues « à sec ». Très facile à comprendre puisque ces sources d’approvisionnement sont issues de regroupements d’achats régionaux ou nationaux. Donc tous les établissements de santé se dirigeaient vers les mêmes d’approvisionnement.

Au début, lorsque le groupe d’approvisionnement sollicitait de nouveaux fournisseurs, on ne répondait pas assez rapidement aux nouveaux fournisseurs, car nous devions valider les spécifications techniques avec les cliniciens/cliniciennes et Santé et sécurité au travail. Ça nous prenait trop de temps, et en conséquence, quand on rappelait les fournisseurs, soit le prix avait monté et c’était rendu deux, trois, cinq fois plus cher… des fois 20 fois plus cher, ou il n’y avait plus de matériel disponible!

On a changé notre façon de faire les choses. Nous avons maintenant une clinicienne qui est dédiée au groupe d’approvisionnement et on fait des relances pour s’assurer que notre commande arrive le plus tôt possible.

Le marché est encore un peu fou. C’est une question d’offre, de demande et de disponibilité.

Normalement dans le secteur de la santé, 80% des fournitures sont achetées en groupe et on a 20% de sources alternatives pour nos achats. Ça ne tient plus en ce moment.

Par exemple pour le désinfectant pour les mains, on est rendu avec cinq ou six fournisseurs. À partir d’une référence, on a même contacté une microdistillerie locale située sur le boulevard Saint-Laurent, North of 7. Ils font d’habitude du gin, de la vodka, du rhum et du whisky. On a travaillé avec l’équipe de prévention des infections pour déterminer si le produit était viable ou non. On a reçu le stock le 16 avril. C’est intéressant, le désinfectant fait de la mousse donc on peut le mettre dans nos distributrices murales. 

On a aussi acheté des imprimantes 3D pour faire nos propres prototypes de visières et de masques en collaboration avec l’Institut du savoir Montfort (ISM). Ça nous a emmenés quelque part de complètement nouveau, et le but est de nous autosuffire. On a acheté beaucoup de champs stériles – le matériel normalement utilisé dans le fond des plateaux en chirurgie et nous explorons la possibilité de faire des masques via les imprimantes 3D. C’est assez facile à se procurer et nous pourrons potentiellement l’utiliser à de nouvelles fins.

Nous faisons aussi des tests sur la réutilisation des masques N95 – ça pourrait être un game changer si on réussit à les désinfecter de manière sécuritaire. Pierre-Luc Malboeuf (gestionnaire à l’URDM qui s’occupe de désinfecter l’équipement), en collaboration avec l’ISM, fait des tests avec le sterrad, un stérilisateur à basse température utilisant du peroxyde d’hydrogène. 

Et nous sommes en voie de faire l’acquisition d’un vaporisateur de peroxyde d’hydrogène, qui est la méthode la plus recommandée à ce point-ci. Une fois le peroxyde d’hydrogène vaporisé sur les masques, on les laisse sécher et les masques pourraient ensuite resservir.

Évidemment, cette option serait seulement envisagée si nous n’avons pas assez de masques N95 et que nous avons la certitude que la désinfection est parfaitement efficace.

Il y a aussi des besoins d’équipement pour les patients, notamment les ventilateurs, dont on entend parler partout. Les manufacturiers nous ont donné des directives sur comment transformer nos machines à anesthésie en ventilateur. On a aussi commandé de nouveaux ventilateurs et des machines à anesthésie dont l’achat était déjà prévu; on a simplement devancé la commande. Ça va arriver dans les prochains mois.

J’ai déjà parlé des dons. Ils sont très importants pour nous aider, mais je voudrais ajouter que j’ai senti beaucoup de fierté quand les gens nous faisaient un don. Dès qu’on entend parler d’une offre de don, on contacte immédiatement la personne. Matthieu Laplante, gestionnaire en approvisionnement, a joué un rôle clé dans la collecte de dons de concert avec la Fondation Montfort. C’est important de savoir comment recevoir. Nous nous faisons un devoir de répondre rapidement à ces donateurs, afin qu’ils sachent que c’est important et que ça fait une différence. On compile les noms des donateurs pour les remercier, avec l’appui de la Fondation Montfort.

À la mi-avril, nous avons le plaisir de confirmer que nous avons de l’équipement de protection individuelle pour plus de 30 jours d’opération en ce moment. Il faut continuer à utiliser nos ressources avec soin pour être certains que nous serons toujours bien équipés.

Le travail en approvisionnement et la gestion du matériel, ça change beaucoup d’une journée à l’autre. Heureusement, maintenant on a une meilleure idée d’où s’en va, mais surtout, nous avons un groupe de professionnels engagés et compétents.


Pour contribuer au fonds d’urgence de la Fondation Montfort : jedonneenligne.org/fondationmontfort/COVID19/

Pour donner de l’équipement de protection individuelle aux établissements de santé de la région d’Ottawa, incluant l’Hôpital Montfort : fr.613ppedonations.ca

Daniel Anctil
Daniel a joint l’Hôpital Montfort en juillet 2018 et a déménagé de Montréal à ce moment avec ses 2 enfants (Ann-Marie et Thomas) et sa femme Daniele afin de s’établir dans la belle région d’Ottawa. Les temps libre sont principalement dédiés aux activités familiales de tous genres. Les voyages font également partie des activités et passions de la famille.