En ce Mois de l’histoire des Noir·e·s, nous rendons hommage à Myrtha Lapierre, qui a été la première femme noire francophone a être admise au programme en sciences infirmières de l’Université d’Ottawa. Cette pionnière mérite d’être reconnue par les membres du personnel de l’hôpital universitaire francophone de l’Ontario! Afin de faire connaissance avec elle, voici une entrevue réalisée pour #onFR lorsqu’elle a reçu l’Ordre de l’Ontario, en 2018.
Est-ce particulier de recevoir une telle reconnaissance d’un pays dans lequel on a immigré ?
Je vis en Ontario depuis plus de 60 ans, donc c’est un grand honneur pour moi d’être reconnue par ma province pour mon implication auprès de la communauté haïtienne. Je suis fière d’avoir aidé trois générations d’infirmières noires francophones, dont beaucoup se sont ensuite épanouies pour devenir des participantes engagées dans la communauté.
La province souligne ainsi votre travail pour éliminer les obstacles pour les infirmières francophones noires au Canada. Qu’est-ce qui vous a encouragé à vous engager dans cette cause ?
En tant qu’immigrante, j’ai très vite compris les défis auxquels les nouveaux immigrants sont confrontés, notamment pour étudier. Je les ai moi-même vécus !
Après mes études, j’ai exercé la profession d’infirmière pendant quelques années afin de maîtriser les pratiques canadiennes, puis je suis devenue enseignante en soins infirmiers au Collège Algonquin. Beaucoup d’étudiants venaient me voir, découragés, à cause de leurs notes. Ils craignaient d’échouer… Il était important de les aider à apprendre et à s’adapter aux coutumes, aux valeurs et aux façons d’interagir et de communiquer canadiennes.
Dans le même temps, j’ai également voulu sensibiliser les enseignants et le personnel hospitalier pour qu’ils comprennent mieux les défis auxquels sont confrontés les étudiants étrangers et les nouveaux arrivants.
Vous êtes originaire d’Haïti, qu’est-ce qui vous avez conduit à vous installer au Canada ?
Ma mère voulait que j’aille étudier au Canada, pour ensuite retourner en Haïti comme sage-femme. Mais il s’est avéré qu’il n’y avait pas de cours de sage-femme au Canada. Il y en avait seulement en Angleterre ! Alors je suis finalement venue étudier les sciences infirmières ici. Et comme j’y ai rencontré mon mari, je ne suis finalement jamais repartie.
Comment se sont passés vos premiers pas au Canada ?
C’était une fierté pour moi d’étudier au Canada ! Je n’avais jamais quitté la maison avant.
Je suis arrivée la veille de ma rentrée. Ce n’était pas facile. J’ai dû apprendre à comprendre le français canadien, ses expressions et l’accent…
Mais heureusement, rapidement, des étudiants m’ont prise sous leurs ailes, se sont occupés de moi et sont devenus mes amis. Le premier jour où il y a eu de la neige, j’avais une amie de chaque côté pour m’aider à marcher ! (Elle rigole)
Comme j’étais pensionnaire, certains m’emmenaient dans leurs familles les fins de semaine. Nous étions dans de petits villages, dans les années 50 et beaucoup n’avaient jamais vu une personne noire auparavant. Quand on allait à l’église, les gens se retournaient en me voyant !
Au niveau de mes études, ce n’était pas facile non plus, car même si le programme était en français, les manuels étaient tous en anglais. J’ai donc dû les traduire, alors que je ne parlais pas vraiment cette langue.
Vous avez été la première francophone noire à obtenir un diplôme en sciences infirmières de l’Université d’Ottawa. Quels obstacles avez-vous dû surmonter pour y parvenir ?
Toute ma vie, j’ai été une pionnière. J’étais notamment la première fille à fréquenter l’école secondaire dans ma ville haïtienne de Jérémie. J’ai aussi aidé ma mère à gérer ses affaires. Ces expériences m’ont donné une grande confiance et une attitude positive.
Il y a des professeurs qui pensaient qu’une noire était forcément inférieure. Alors je leur ai parlé. (Elle rigole) Et ça les a aidés.
J’ai travaillé dur pour m’acclimater et réussir, mais ma persévérance a payé et j’ai eu la chance de recevoir beaucoup de soutien.
En terminant, si vous étiez à la place de Justin Trudeau, quelle serait votre première mesure pour les francophones ?
Je leur dirais d’être fiers de leur héritage et de ne pas oublier de promouvoir leur culture. »
Cette entrevue a été réalisée par Benjamin Vachet en mars 2018, alors qu’il était journaliste pour le site #onFR.
Pour l’entrevue au complet, allez lire l’article Myrtha Lapierre, la doyenne de la communauté haïtienne.