Dès l’inauguration de Montfort en 1953, sœur Fernande Quesnel a dirigé les cuisines de l’hôpital. À l’occasion de son 100e anniversaire, voici un portrait de cette pionnière.
Je suis née sur une ferme à Saint-Albert, j’étais la quatrième enfant d’une famille de dix. Ma mère est tombée malade quand j’avais huit ou neuf ans et c’est moi qui ait pris la charge. Je suis devenue la gardienne, la garde-malade, la cuisinière pour toute la famille.
Quand je manquais une tarte, je ne le disais pas à ma mère et je la donnais aux cochons!
À dix ans, j’ai dû quitter l’école.
Ma mère avait dit à mes frères et sœurs : « vous êtes mieux d’écouter Fernande! ». Ça fait que j’ai appris jeune à commander à me faire obéir….
J’ai travaillé comme un homme.
Plus tard, quand ma mère allait mieux, on était quand même bien pauvres et pour ramasser de l’argent, j’allais faire la cuisine dans d’autres maisons, par exemple pour aider des femmes qui venaient d’accoucher.
J’étais bien priante, j’allais à la messe et le dimanche, j’emmenais mes frères et sœurs. J’avais sorti avec des garçons mais je me sentais attirée par autre chose. Une fois, une religieuse du Nouveau-Brunswick est venue en visite et on m’a engagée pour préparer ses repas. Elle m’a parlé de sa communauté et ça m’a intéressée.
J’aimais rire, j’aimais raconter des histoires… Quand je suis entrée chez les Filles de la Sagesse en 1936, les gens pensaient que ce n’était pas pour moi. Mais j’ai bien vu que c’était ma vocation.
J’ai prononcé mes vœux en 1940. Mon nom de religieuse était Sœur Rose de la Sagesse.
Les dirigeantes ont pensé de me faire étudier pour que je devienne diététiste. Mais je ne voulais pas étudier, je voulais travailler! Elles m’ont mise dans les cuisines, ici. [NOTE : à la maison-mère des Filles de la Sagesse, au 424 chemin Montréal.] C’était un gros pensionnat, il fallait nourrir 200 personnes. J’ai commencé comme gestionnaire et j’avais une équipe de huit personnes.
À l’époque, les Sœurs parlaient d’ouvrir un hôpital. En 1953, j’ai été nommée en charge de la cuisine à Montfort.
Le jour de l’inauguration, il a fallu préparer le buffet pour les 500 invités.
Tout était nouveau et tout était à faire. Pour moi, les journées commençaient à 5 h 45, il fallait préparer les plateaux du petit-déjeuner, on envoyait six chariots sur les étages, il fallait respecter les diètes de tout le monde.
Ensuite il fallait préparer les repas pour la cafétéria des employés, faire les plateaux pour le dîner et le souper des patients, et le soir, on organisait des collations pour les rencontres des médecins. Je finissais à 23 h.
J’étais jeune, j’avais une grosse santé!
On faisait aussi les tartes, les tourtières, les chocolats pour les collectes de fonds, et toute la nourriture pour les garden party des Dames auxiliaires.
Pendant mes dix ans dans les cuisines de Montfort, il y en a beaucoup qui m’ont considérée comme une mère.
Je gérais une trentaine d’employées, et souvent elles n’avaient pas d’expérience. C’est moi qui commandais, et je ne parlais rien qu’une fois!
Ensuite j’ai été travailler dans les cuisines à l’hôpital Sainte-Justine, à Montréal, puis je suis revenue à la maison mère des Filles de la Sagesse. Comme j’aime travailler de mes mains, j’ai aussi fait de l’artisanat, des costumes pour des spectacles…
Il y a huit ans, je suis tombée malade et je ne me suis jamais relevée. Je vais avoir cent ans, on fête ça le 11 septembre, il va y avoir une grosse réunion de famille ici!
Merci, Sœur Fernande, pour avoir travaillé si fort et avec autant de dévouement pendant toutes ces années… Nous vous souhaitons un très joyeux anniversaire!